Comment le sens du sacré peut aider les entreprises du secteur durable

Les leaders en matière de développement durable pourraient s’inspirer du maître zen Thich Nhat Hanh, qui croit en un lien humain plus profond avec la nature et dont la vision dépasse celle de la consommation purement matérielle.

Un célèbre maître bouddhiste a dit que le miracle de la vie n’est pas de pouvoir marcher sur l’eau, mais de pouvoir marcher sur la Terre.

Cette phrase m’est revenue à l’esprit lorsque j’ai lu une introduction du Prince Charles dans le dernier ouvrage de Tony Juniper qu’il consacre à l’importance du capital naturel : What has ever nature done for us ?. Selon le Prince Charles, une des principales raisons pour lesquelles nous détruisons aussi aveuglément le monde naturel dont dépend notre vie est “l’absence inquiétante de sens du sacré”.

“C’est un fait essentiel”, écrit-il. “Si rien n’est sacré, surtout la nature, alors nous créons les conditions idéales d’une véritable tempête, à laquelle il sera pratiquement impossible de s’adapter, a fortiori l’atténuer”.

Par ces propos, le Prince Charles fait mouche : les innovations technologiques et l’esprit d’entreprise ne suffiront pas à nous sauver de la destruction, ni nous ni les innombrables espèces, à moins de guérir notre profonde déconnexion avec notre chère Terre Mère.

J’ai récemment eu l’occasion de rédiger un article sur l’importance des révélations dans la mise en œuvre de changements et je l’ai moi-même expérimenté il y a quelques années lors de ma spécialisation en responsabilité et pratique commerciale.

A cette occasion, nous avons vécu une semaine au Shumacher College dans le Devon. L’un des exercices consistait à se rendre dans une vallée fluviale du Dartmoor et, les yeux bandés, nous étions invités à expérimenter la nature par le biais du toucher et de l’odorat. À la moitié de l’exercice, on nous demanda de détourner notre attention et d’essayer de ressentir comment la nature pouvait nous percevoir à ce moment-là.

Il m’a fallu un certain temps pour mesurer l’importance de ce changement de perspective. Quelle arrogance de ma part d’avoir cru que seul “moi” pouvait faire l’expérience du monde qui m’entourait, sans aucune réciprocité.

Le Collège Shumacher n’est certes pas le seul à avoir compris qu’un lien profond avec la nature peut engendrer des changements profonds. Ainsi, le projet “Natural Change”, mis en place par le WWF, offre aux dirigeants des expériences susceptibles de changer la vie dans des lieux sauvages. L’entreprise sociale Leaders’ Quest partage également cette philosophie.

Construire des ponts avec la nature

Ce type d’expérience est particulièrement crucial pour les chefs d’entreprise ; le processus de transformation n’aura lieu que s’ils comprennent au plus profond d’eux-mêmes la signification de la durabilité, au lieu de la considérer comme un exercice intellectuel visant à assurer des profits.

L’argent et le pouvoir sont souvent source de séparation ; or, nous avons besoin que ces dirigeants ressentent une certaine intimité et que cette communauté soit un concept inclusif.

J’ai récemment consacré deux semaines à une retraite avec le maître zen Thich Nhat Hanh dans son centre de Pratique appelé “Village des Pruniers”, près de Bordeaux, en France. C’était mon troisième séjour et chacun d’eux compte parmi les plus beaux moments de ma vie.

La pratique de la pleine conscience m’apprend que le véritable bonheur résulte d’une profonde appréciation de la simplicité de la vie dans le moment présent ; la joie de respirer, de marcher, de contempler, de manger sainement et d’être en bonne compagnie.

Et, bien naturellement, nous comprenons que tout est connecté dans la toile de la vie, d’une manière bien plus profonde que si l’on essayait de se représenter le lien entre l’énergie, l’eau et la nourriture.

C’est précisément dans cette atmosphère de méditation paisible que je redécouvre un sentiment de paix et d’inspiration – tel un canal d’eau dragué de boue et de débris – qui me permet de retourner au journal The Guardian avec une énergie renouvelée.

Malheureusement, notre société moderne a tendance à faire peu de cas de ces plaisirs simples, car ils n’ont aucune valeur économique. En revanche, on nous vend un mode de vie qui approfondit notre sentiment d’isolement et de solitude.

Au-delà de la consommation matérielle

Thich Nhat Hanh, souvent surnommé Thây, répète sans cesse que nous avons plus qu’assez pour être heureux et qu’accumuler les biens matériels ne fera que nous exposer à davantage de souffrance. Combien de fois apprécions-nous vraiment le fait d’être en bonne santé, et combien de fois éprouvons-nous de la gratitude pour les personnes qui nous entourent ? Le plus souvent, nous ne la touchons véritablement que lorsque nous risquons de les perdre.

Assis dans sa modeste hutte, autour d’un feu crépitant, Thây me dit qu’il n’y a rien de mal à consommer : le souci vient seulement de l’objet de notre consommation. “Quand nous pratiquons la marche méditative, nous consommons. Pour notre civilisation moderne, marcher de la sorte constitue une perte de temps. Nous ne faisons rien. On ne parle pas, on ne pense pas et c’est une perte de temps car le temps, c’est de l’argent”.

“Donc, oui, nous consommons du temps. Mais pour nous, il s’agit d’une bonne consommation car nous permettons à notre corps et à notre esprit de se détendre et de se reposer et à chaque pas, nous touchons les merveilles de la vie, les éléments rafraîchissants et guérisseurs de la vie”.

“Une demi-heure de marche comme celle-là nous procure une sensation de fraîcheur et de bien-être. Elle ne nécessite pas beaucoup d’argent, ne requiert rien du tout… du parking à l’endroit où ils [les lecteurs] travaillent, marchez de manière à ce que chaque pas puisse leur procurer la paix, la joie et l’amour de la vie. Apprenez-leur à arrêter leurs pensées”.

Il est facile d’écarter ce genre d’approche au motif qu’elle n’est pas adaptée aux complexités et aux pressions de la vie moderne. Thây est d’ailleurs le premier à admettre qu’il est bien plus facile de vivre la vie de moine que de vivre dans le monde “réel”.

Mais rejeter une approche aussi simple revient souvent à éviter de reconnaître plus profondément que nous perdons tous notre liberté et notre sentiment d’appartenance, au profit du pouvoir, de la gloire, de l’argent et de la satisfaction sexuelle.

Dans ce dernier livre, Juniper accomplit un travail formidable en montrant les merveilles et l’infinie complexité de la Terre Mère et la façon dont elle est liée à la santé et au succès économique de l’espèce humaine. Il fournit en outre de puissants arguments pour expliquer pourquoi nous devrions valoriser le capital naturel plutôt que considérer la nature comme un fait acquis. Or, ces connaissances vont-elles réellement entraîner une transformation de notre comportement ?

Thây suggère que le changement nécessaire ne pourra résulter d’une meilleure connaissance intellectuelle de l’impact de notre comportement destructeur, ou des merveilles de la nature. Il estime que seuls un lien plus profond avec notre cœur et une vision personnelle de l’interaction de tout ce qui se trouve dans l’univers peuvent offrir de l’espoir à l’humanité.

“Nous sommes très intelligents, mais nous devons apprendre à aimer la Terre mère”, dit-il. “Lorsque vous regardez le soleil pendant votre marche méditative, la pleine conscience du corps vous aide à voir que le soleil est en vous ; sans le soleil, il n’y a pas de vie du tout et soudain vous entrez en contact avec le soleil d’une manière totalement différente.”

“Vous voyez la relation entre vous et le soleil se modifier … Avant, vous perceviez le soleil comme quelque chose de très lointain et n’ayant qu’une très vague connexion. Or, la connexion est très, très profonde. Vous êtes un enfant du soleil, vous venez du soleil, et c’est également vrai pour la terre … votre relation avec la terre est extrêmement profonde, car la terre est en vous. Ce n’est pas du tout difficile, beaucoup moins difficile que la philosophie.

“Si vous pouvez sentir que la Terre Mère est en vous, et que vous êtes la Terre Mère, alors vous n’avez plus peur de mourir car la Terre ne meurt pas. Comme une vague apparaît, disparaît puis réapparaît”.

L’interview complète de Thich Nhat Hanh est disponible sur le Guardian Sustainable Business.

Jo Confino s’est également entretenu avec Tony Juniper lors d’une conférence donnée au RSA

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What is Mindfulness

Thich Nhat Hanh January 15, 2020

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