“Thich Nhat Hanh à propos des cinq entraînements à la pleine conscience”

Lors de sa visite au village des pruniers, Andrea Miller s’assoit pour interviewer Thich Nhat Hanh sur les Cinq Entraînements à la Pleine Conscience.

TRADUCTION de l’Anglais – Interview en deux volets : le premier en novembre 2012 et le second en janvier 2013, parue dans Shambhala Sun
Par Andrea Miller.

Voir le Premier Volet : Nul besoin d’être Bouddhiste

Second Volet

Un Q&R exclusif publié par Shambhala SunSpace

Une sœur en robe brune m’a conduit dans un couloir bordé de portes. Elle en a ouvert une, mais il n’était pas là, même si la table à l’intérieur était dressée avec du thé. Ensuite, elle en a ouvert une autre et là, derrière la porte numéro deux, se trouvait le célèbre moine. Thich Nhat Hanh était allongé sur un hamac vert, buvant du thé Oolong dans une tasse transparente et grignotant du gingembre confit.

Très gentiment, il a insisté pour que je savoure moi aussi un peu de thé et de gingembre, mais j’avais des difficultés à être en pleine conscience des saveurs. La perspective de l’interview dans laquelle je me lançais me rendait trop nerveuse. Il n’y avait pourtant aucune raison particulière à cela. Durant une heure, Thich Nhat Hanh a bavardé avec moi, avec toute la chaleur et la profondeur qui le caractérisent. Une grande partie de notre conversation s’est déroulée dans le cadre de la rubrique “Au pays du présent du moment présent” du numéro actuel du Shambhala Sun, et dans l’encadré “Vous n’avez pas besoin d’être bouddhiste”. Mais aujourd’hui, j’aimerais vous faire part d’un autre élément de notre conversation, en exclusivité sur le blog du Shambhala Sun.

Vous avez fait des cinq entraînements à la pleine conscience une véritable synthèse des quatre nobles vérités et du noble sentier octuple. Pouvons-nous parler un peu des cinq entraînements à la pleine conscience ?

Le premier entraînement concerne la protection de la vie et est motivé par la vision de l’inter-être et de la compassion. Le deuxième concerne le bonheur véritable. Le bonheur véritable ne repose pas sur la célébrité, le pouvoir, la richesse ou les plaisirs sensuels, mais plutôt sur la compréhension et l’amour. Il n’est pas nécessaire de courir vers l’avenir pour chercher le bonheur. La capacité à vivre dans l’ici et le maintenant vous permet de reconnaître les nombreuses conditions de bonheur.

Qu’en est-il de l’amour véritable, le troisième entraînement à la pleine conscience ?

Le désir sexuel et l’amour sont deux choses distinctes. Le désir sexuel sans pleine conscience et sans compassion peut causer beaucoup de souffrance tant pour vous que pour l’autre personne. Mais l’amour véritable apporte toujours de la joie et du bonheur. Selon cette pratique, nous devrions nous engager à ne pas avoir de relation sexuelle sans amour véritable ni engagement profond, durable et connu de nos proches. Or, l’amour véritable n’engendre aucune souffrance, car il est fondé sur la compréhension de l’inter-être. Votre souffrance est la sienne ; son bonheur est le vôtre. Il n’y a donc plus de discrimination, l’harmonie est possible, et la peur et la colère ne peuvent plus exister.

Ensuite, le quatrième entraînement à la pleine conscience porte sur la Parole aimante et l’Écoute profonde.

Cette Pratique a le pouvoir de rétablir la communication et d’apporter la réconciliation. Si vous apprenez comment appliquer le quatrième entraînement à la pleine conscience, quelques jours de pratique peuvent suffire à mettre fin à des difficultés relationnelles vieilles de plusieurs années. Vous pouvez ramener l’harmonie, la compréhension mutuelle et le bonheur. Ensuite, le cinquième entraînement à la pleine conscience porte sur la consommation juste. Beaucoup de gens consomment parce qu’ils veulent masquer la souffrance intérieure. Ils n’ont pas besoin de manger, mais ils mangent pour échapper à la solitude, à la dépression ou au désespoir. Ils lisent des magazines, vont sur Internet, diffusent de la musique, prennent leur voiture, tout cela pour oublier et fuir leurs souffrances. Mais en consommant ces choses, ils introduisent en eux davantage de toxines, de violence et de désir. Dans le Bouddhisme, la Pratique consiste à prendre soin de sa propre souffrance. Si vous comprenez votre souffrance, vous comprendrez plus facilement la souffrance de l’autre personne. Lorsque vous comprenez la souffrance de l’autre personne, vous n’êtes plus en colère contre elle, et vous essayez de faire ou de dire quelque chose pour l’aider à souffrir moins. Cela signifie que reconnaître la souffrance de l’autre personne aide à faire naître la compassion en vous, et quand la compassion se manifeste en votre cœur, vous ne souffrez plus. Au contraire, vous essayez d’aider. Une consommation saine peut aider votre famille, votre société. La consommation juste peut préserver la terre.

Je crois savoir que votre Sangha internationale œuvre à l’introduction de la pratique de la pleine conscience dans les écoles.

Il est possible d’introduire ce type de pratique dans les écoles de chaque niveau. Il n’est pas nécessaire d’utiliser des termes bouddhistes. L’éthique mondiale peut faire l’objet d’une heure d’enseignement chaque semaine et, chaque jour, les enseignants et les élèves apprennent des choses concrètes comme la respiration, la relaxation, la libération des tensions dans leur corps. Si les enseignants et les étudiants savent comment respirer et marcher de manière à pouvoir être dans le moment présent, ils apprendront à apprécier les nombreuses conditions de bonheur disponibles pour eux. Ils apprécieront la paix – le fait de ne pas avoir à courir sous les bombes – et ils apprécieront de ne pas avoir à parcourir une quinzaine de kilomètres pour se procurer de l’eau potable. Il y a tant de conditions de bonheur : aller à l’école, passer des soirées à la maison, avoir une famille, avoir quelque chose à manger et une maison pour vivre. Nombre d’enfants dans le monde n’ont pas ces choses, alors respirer et marcher aide non seulement les élèves à se libérer des tensions, mais aussi à reconnaître toutes leurs conditions de bonheur. C’est l’enseignement du Bouddha : Il est possible de vivre heureux dans le moment présent. Les enseignants peuvent s’entraîner à vivre de cette façon, afin d’aider les élèves à y parvenir également. Au Village des Pruniers, nous avons formé des enseignants dans de nombreux pays pour qu’ils puissent faire ce travail. Nous espérons pouvoir faire entrer les cinq entraînements à la pleine conscience dans les écoles, non pas en termes de théorie, mais bien en pratique. Au Bhoutan, un cours est actuellement dispensé aux enseignants à travers tout le pays, pour leur apprendre à mettre cette pratique en œuvre dans les écoles. En Californie, nous en avons parlé avec le Gouverneur Brown et il nous a dit que nous devions d’abord commencer avec quelques écoles. Il nous a donc demandé de former les enseignants dans deux écoles de Californie du Nord. Ensuite, une fois les résultats publiés, nous pourrions faire une proposition afin que d’autres écoles puissent adopter cette pratique.

Comment votre Sangha fonctionne-t-elle avec les cinq entraînements à la pleine conscience ?

Toutes les deux semaines, nous nous réunissons pour réciter les cinq entraînements et examiner la manière de mieux les appliquer dans notre vie quotidienne. Ce type de pratique peut aider à réduire très rapidement la souffrance et à apporter plus de bonheur.


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Thich Nhat Hanh January 15, 2020

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