Le Village des Pruniers et les enfants

A l’occasion de la fin des vacances scolaires et de la rentrée des classes, nous vous proposons des extraits du livre “Semer les graines du bonheur dans le coeur des enfants“, deux experiences qui racontent comment les enfants peuvent se sentir accueillis, inclus et nourris lors de retraites d’été passées au Village des Pruniers.

Le Village des Pruniers : Un lieu pour les enfants

par Michele Hill, Hawaii, États-Unis

Cet été là, j’ai voyagé à l’autre bout du monde, de Hawaï jusqu’en France, pour participer à la vie simple d’une retraite du Village des Pruniers. Je crois que ce qui m’a le plus impressionnée là-bas a été le rôle des enfants. Le zen que beaucoup d’entre nous pratiquent en Occident, depuis une dizaine d’années environ, ressemble surtout à un emploi du temps monacal légèrement modifié. Nous avons rarement vu des visiteurs participer à une séance d’entraînement, un sesshin, dans son intégralité, accompagnés de leurs enfants. Ceux qui sont venus avec leurs enfants le temps d’une courte visite ont dû se débrouiller tout seuls pour s’occuper d’eux, souvent avec l’aide d’autres parents.

Comme de plus en plus de membres de notre sangha ont des enfants, la séparation s’est considérablement accentuée entre la vie de famille séculière et cette pratique essentiellement monacale. Au Village des Pruniers, j’ai constaté non seulement que les enfants sont présents, mais qu’ils sont le centre de la communauté. On leur donne souvent des responsabilités dans la salle de méditation, comme celles d’inviter la cloche, de guider la méditation du thé et de participer à des cérémonies. Ils participent à tout et tout le monde fait attention à eux, d’une façon tout à fait naturelle. Dans plusieurs groupes de partage, Thây avait mentionné l’importance d’inclure les enfants dans la pratique. Les enfants semblent avoir un amour spontané pour les cérémonies, les rituels, les chansons et les jeux. Les parents des plus petits racontent souvent que ce sont leurs enfants qui se souviennent de se tenir la main avant le dîner, ce sont eux qui reconnaissent la beauté d’un petit rituel comme celui de s’incliner en entrant dans la salle de méditation.

Thây dit que si vous ne pouvez pas expliquer ce que vous faites à vos enfants, alors peut-être n’est-ce pas réel. Les enfants doivent être inclus et doivent comprendre ce que vous faites s’il s’agit vraiment de bouddhisme. Thây est intimement persuadé que les enfants peuvent comprendre les enseignements les plus profonds du bouddhisme, qui sont au fond simples et directs, tels que : “Tu es moi et je suis toi”, “Comprendre, c’est aimer” et “Quand un doigt est blessé, c’est la main toute entière qui souffre”.

Thây nous dit : “Nous devons trouver des pratiques qui plaisent aux enfants. C’est très important, car si nous ne pouvons pas inclure es enfants, il manquera quelque chose. Quand les enfants sont inclus, la pratique devient agréable pour les parents également.”

Ces paroles m’ont beaucoup touchée. Combien de fois ai-je entendu mes amis exprimer leur déchirement entre leur envie d’être avec leurs enfants et celle de méditer ? Les parents dont le travail les éloigne déjà beaucoup de la maison sont réticents à l’idée de laisser à nouveau leurs enfants le soir pu le week-end. J’ai pu constater que si les familles de notre sangha ont essayé, la plupart y ont renoncé. Il me semble qu’en créant une pratique qui inclut les enfants, nous résoudrons une multitude de problèmes et enrichirons notre expérience. Thây nous met en garde : “La pratique est impossible sans le soutien des enfants. Sans lui, elle n’est qu’une fuite de la famille et de la société.”

Semer des graines de paix

par Soeur Chan Dinh Nghiem, monastère Hameau Nouveau, France

Les premières retraites d’été au Hameau Nouveau, au Village des Pruniers, je m’occupais des enfants français. Chaque jour, j’apprenais tellement et j’étais profondément nourrie par eux. Ils avaient beaucoup d’énergie. C’était fatiguant de s’occuper d’eux, mais très gratifiant, car ils recevaient facilement mon amour et m’offraient le leur en retour. Les fruits, les conséquences de mes actes étaient immédiats. Les enfants me racontaient à quel point ils étaient heureux, quand bien même nous n’avions que quelques jouets très simples à leur disposition. Ils disaient qu’ils étaient heureux parce qu’au Village des Pruniers leurs parents étaient tellement plus calmes et gentils qu’à la maison. Ils adoraient être au Village des Pruniers parce qu’ils voyaient leurs parents se transformer.

Les enfants me surprenaient tous les jours. Ils avaient beau remuer et gigoter pendant les enseignements du Dharma, quand je leur posais des questions après l’enseignement, ils avaient réponse à tout ; ils avaient tout entendu. Quand ils rentraient à la maison avec leurs parents, c’étaient eux qui maintenaient la pratique et qui s’en souvenaient (plus longtemps que leurs parents !). Ils sont comme des feuilles de papier encore vierges. Quand je repense à ce que j’ai reçu dans les temples bouddhistes quand j’étais petite fille, je vois que je me souviens de chaque petit détail. Quand je m’occupais des enfants au Village des Pruniers, ils étaient une cloche de pleine conscience pour moi. Ils m’aidaient vraiment à pratiquer. Tou ce que je disais, tout ce que je faisais, ils se le rappelaient ensuite pendant des années. je ne veux dessiner que de belles images sur ces feuilles de papier vierges.

Je me souviens qu’un jour, les enfants étaient vraiment trop bruyants et agités, et j’étais extrêmement fatiguée. la retraite n’avait commencé que depuis une semaine, mais j’avais déjà perdu ma voix. Ils criaient, sautaient partout et faisaient ce qu’ils voulaient. J’étais tellement épuisée que, tout à coup, je me suis allongée par terre et j’ai fait le mort. C’est alors que les filles se sont mises à calmer les garçons, en leur criant : “Les garçons, calmez-vous ! Regardez Soeur Dinh Nghiêm.” Ils se sont calmés tout seuls et je n’ai pas eu besoin de faire quoi que ce soit. Comme il y avait de l’amour entre nous, ils ont essayé de m’aider quand ils ont vu que j’étais fatiguée.

J’ai appris que le plus important à transmettre aux enfants est notre manière d’être. Les enfants y sont très sensibles. Ils ne vivent pas dans leur tête ; ils vivent à travers leurs ressentis. Alors notre présence, notre calme, notre douceur et notre paix sont les cadeaux les plus importants que nous puissions leur offrir. C’est pourquoi nous avons besoin de pratiquer vraiment pour pouvoir leur transmettre ces qualités.

J’ai appris que le plus important à transmettre aux enfants est notre manière d’être.

Soeur Dinh Nghiem

La meilleure façon de transmettre les enseignements consiste à leur raconter des histoires et à leur faire rejouer ce qu’ils ont entendu. Ils aiment tous faire des sketches. Ils adorent aussi les pratiques du Nouveau Départ et de la méditation du thé avec leurs parents. C’est tellement beau d’inclure les parents dans les activités et les pratiques des enfants. Chaque année, ces sessions sont très appréciées et très touchantes.

Comme les enfants reviennent année après année, je les vois grandir. L’été dernier, j’étais très contente parce qu’ils avaient formé une sangha et étaient restés en contact les uns avec les autres pendant l’année. La retraite d’été suivante, ils ont accueilli ensemble les nouveaux venus et les ont aidés à se sentir chez eux. Ils étaient tellement heureux d’être dans le groupe des enfants que, bien qu’ils soient devenus de jeunes adolescents, certains d’entre eux ont demandé à y rester !

A travers ces jeunes, je peux déjà voir l’avenir du bouddhisme en Occident. La pratique leur est tellement naturelle à présent. En grandissant, la pleine conscience leur paraît tout à fait normale. Comme ils ont commencé à l’apprendre dès leur enfance, la pratique est devenue partie intégrante de leur vie. Elle ne reste pas un concept intellectuel. Et parce qu’ils comprennent l’essence des enseignements, je sais qu’ils sont créatifs et qu’ils trouveront des moyens de rendre la pratique plus appropriée à l’Occident.

Une moniale faisant des bulles de savon avec es enfants.

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Thich Nhat Hanh January 15, 2020

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