Discours de Thich Nhat Hanh au Vatican, le 2 décembre 2014

Le 2 décembre 2014, une délégation de moines et de nonnes de Plum Village s’est rendue au Vatican pour représenter Thich Nhat Hanh lors d’un sommet des leaders religieux mondiaux pour mettre fin à l’esclavage moderne et à la traite des êtres humains. À cette époque, Thich Nhat Hanh était encore dans un état critique à l’hôpital de Bordeaux, en France, suite à un accident vasculaire cérébral survenu le 11 novembre. La vénérable Bhikshuni Sœur Chan Khong a lu son discours devant l’assemblée, puis, avec Thay Phap An, a signé la déclaration avec le sceau de Thay, conformément à ses souhaits.


SOMMET DES LEADERS RELIGIEUX MONDIAUX POUR METTRE FIN À L’ESCLAVAGE MODERNE ET À LA TRAITE DES ÊTRES HUMAINS

Cité du Vatican, 2 décembre 2014

DISCOURS DU

MAÎTRE ZEN THICH NHAT HANH

Vos Saintetés, Vos Excellences, Vos Éminences, très vénérables, distingués invités, mesdames et messieurs. Permettez-moi de vous lire les mots que notre bien-aimé maître, le maître zen Thich Nhat Hanh, souhaitait prononcer ici aujourd’hui :

« Nous sommes reconnaissant·es de nous réunir aujourd’hui pour annoncer au monde entier notre engagement à œuvrer ensemble pour mettre fin à l’esclavage moderne, pour exhorter ceux et celles qui se livrent à la traite des êtres humains à cesser leur exploitation, et pour demander aux dirigeant·es et aux organisations du monde entier de protéger la dignité de ces jeunes femmes, hommes et enfants. Ils et elles sont nos filles et nos fils, nos sœurs et nos frères.

Il est clair qu’à l’ère de la mondialisation, ce qui arrive à l’un·e d’entre nous arrive à tous, toutes. Nous sommes tous interconnecté·es et nous sommes tous, toutes coresponsables. Mais même avec la meilleure volonté du monde, si nous sommes emporté·es par nos préoccupations quotidiennes liées à nos besoins matériels ou à notre confort émotionnel, nous serons trop occupé·es pour réaliser notre aspiration commune.

La contemplation doit aller de pair avec l’action. Sans une pratique spirituelle, nous abandonnerons très vite notre rêve.

Chacun·e de nous, selon l’enseignement de sa propre tradition, devrait s’exercer à toucher profondément les merveilles de la nature, les merveilles de la vie en chacun·e de nous, le Royaume de Dieu en chacun·e de nous, la Terre Pure, le Nirvana en chacun·e de nous, afin de pouvoir recevoir la guérison et la nourriture, la joie et le bonheur qui naissent de la prise de conscience que le Royaume de Dieu est déjà accessible ici et maintenant. Le sentiment d’amour et d’admiration pour la nature, que nous partageons tous, toutes, a le pouvoir de nous nourrir, de nous unir et d’éliminer toute séparation et discrimination.

En étant en contact avec tout ce qui est rafraîchissant et guérisseur, nous pouvons nous libérer de nos préoccupations quotidiennes pour le confort matériel et disposer de beaucoup plus de temps et d’énergie pour réaliser notre idéal d’apporter la liberté et la compassion à tous les êtres vivants. Comme le dit l’Évangile : « Ne vous inquiétez pas pour ce que vous mangerez ou boirez, ni pour ce que vous porterez. Cherchez d’abord le Royaume de Dieu, et tout cela vous sera donné. Ne vous inquiétez pas pour demain. Demain s’occupera de lui-même. »

Dans notre travail pour mettre fin à l’esclavage moderne, nous devons trouver le temps de prendre soin de nous-mêmes et de vivre le moment présent. Ce faisant, nous pouvons trouver une paix relative dans notre corps et notre esprit pour poursuivre notre travail. Nous devons reconnaître et accepter notre propre souffrance, notre colère, notre peur et notre désespoir afin que l’énergie de la compassion puisse rester dans nos cœurs. Lorsque notre esprit sera plus clair, nous aurons de la compassion non seulement pour les victimes, mais aussi pour les trafiquant·es eux-mêmes. Lorsque nous voyons que les trafiquant·es ont souffert, nous pouvons les aider à prendre conscience et à mettre fin à leurs agissements. Notre compassion peut les aider à devenir des ami·es et des allié·es de notre cause.

Afin de poursuivre notre travail de compassion, nous avons tous et toutes besoin d’une communauté spirituelle qui nous soutienne et nous protège, une véritable communauté où règnent la fraternité, la compassion et la compréhension. Nous ne devons pas mener ce combat en cavaliers seuls, en guerriers solitaires. Les racines de l’esclavage moderne sont profondes, et les causes et les conditions, les réseaux et les structures qui le soutiennent sont complexes. C’est pourquoi nous devons construire une communauté capable de poursuivre ce travail pour protéger la vie humaine, non seulement jusqu’en 2020, mais bien au-delà.

Le monde dans lequel nous vivons est globalisé, tout comme cette nouvelle forme d’esclavage, qui est liée aux systèmes économiques, politiques et sociaux. Notre éthique et notre moralité doivent donc également se mondialiser. Un nouvel ordre mondial exige une nouvelle éthique mondiale. Nous devons nous asseoir ensemble, en tant que personnes issues de traditions diverses, comme nous le faisons actuellement, afin de trouver les causes de cette souffrance. Si nous y réfléchissons ensemble, avec lucidité, calme et sérénité, nous comprendrons les causes de l’esclavage moderne et nous pourrons trouver une issue. »

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What is Mindfulness

Thich Nhat Hanh January 15, 2020

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