Comment faire face à la souffrance ? Thich Nhat Hanh répond à un retraitant.
Article traduit de l’anglais et paru dans Lion’s Roar
Question : Cher Thay, je souffre beaucoup et je sais que la souffrance fait partie de ma pratique. Ma souffrance a deux sources principales : d’abord j’ai une maladie chronique qui me cause beaucoup de souffrance physique. Ensuite je suis un activiste et l’état du monde me préoccupe très profondément. Parfois je ressens beaucoup de désespoir à propos de tout ce qui se passe dans le monde, en termes de violence, de pauvreté et de destruction de l’environnement. Quelles pratiques recommanderiez-vous à ceux d’entre nous qui doivent vivre avec la souffrance physique ou sont désespérés par la souffrance du monde ?
Thich Nhat Hanh : En tant qu’activistes, nous voulons agir pour aider le monde à moins souffrir. Mais nous savons que quand nous ne sommes pas en paix, quand nous n’avons pas assez de compassion à l’intérieur de nous, nous ne pouvons pas faire grand-chose pour le monde. Nous sommes placés au centre. Avant toute chose, nous devons faire la paix en nous et réduire notre souffrance personnelle, parce que nous représentons le monde. La paix, l’amour et le bonheur doivent toujours commencer par soi. Il y a de la souffrance, de la peur, de la colère en nous, et quand nous en prenons soin, nous prenons soin du monde.
Imaginez un pin dans le jardin. Si un pin nous demandait comment contribuer à aider le monde au maximum, notre réponse serait très claire : « Tu dois être un pin magnifique et en bonne santé. Tu aides le monde en étant la meilleure version de toi-même. » C’est la même chose pour les êtres humains. La base pour aider le monde c’est d’être en bonne santé, solide, aimant, et doux avec soi-même. Alors, quand les gens nous regardent, ils prennent confiance en eux.
Ne pensez pas que le monde et vous sont deux choses séparées
Ainsi, tout ce que vous faites pour vous-même, vous le faites pour le monde. Ne pensez pas que le monde et vous sont deux choses séparées. Quand vous respirez en plein conscience avec douceur, quand vous vous émerveillez d’être en vie, rappelez-vous que vous le faites aussi pour le monde. Si vous pratiquez dans cette perspective, vous réussirez à aider le monde. Vous n’avez même pas à attendre demain. Vous pouvez le faire dès aujourd’hui, dès maintenant.
Le Bouddha a proposé tellement de façons de pratiquer pour réduire la souffrance physique et émotionnelle et se réconcilier avec soi-même. Nous avons appris dans cette retraite que nous pouvons réduire la souffrance physique par la pratique du relâchement des tensions corporelles. La souffrance augmente avec la tension et diminue quand celle-ci se relâche. Vous pouvez pratiquer la relaxation dans la position assise ou allongée. Vous pouvez également pratiquer la relaxation quand vous marchez, et à chaque pas faire en sorte de relâcher les tensions. Marchez comme une personne libre. Déposez tout à terre, ne portez rien, et sentez-vous léger. Il y a un poids que nous portons constamment. L’habileté dont nous avons besoin est de savoir comment déposer ce qui nous pèse de façon à être léger. Si vous vous asseyez, marchez, ou vous allongez de cette façon, cela devient très facile de relâcher les tensions et de réduire la souffrance.
Le Bouddha a dit que nous ne devrions pas amplifier la souffrance en exagérant la situation. Il a utilisé l’image d’une personne qui vient d’être touchée par une flèche. Quelques instants plus tard, une deuxième flèche se fiche exactement au même endroit. Avec la seconde flèche, la souffrance n’est pas seulement multipliée par deux, elle s’intensifie et se déploie d’une manière bien plus grande.
Alors quand vous faites l’expérience de la souffrance, qu’elle soit d’ordre physique ou mental, vous devez la reconnaître comme elle est et ne pas l’exagérer. Vous pouvez vous dire : « J’inspire, Je sais que ceci n’est qu’une petite douleur physique, je peux très bien devenir ami avec elle, je peux faire la paix avec elle. Je peux encore lui sourire. »
Si vous pouvez reconnaître la souffrance telle qu’elle est et ne pas l’exagérer, vous serez en mesure de faire la paix avec elle et vous ne souffrirez pas autant. Mais si vous vous mettez en colère et vous révoltez contre elle ; si vous vous inquiétez trop et imaginez que vous allez mourir bientôt, alors la souffrance sera multipliée par cent. C’est cela, la deuxième flèche, c’est la souffrance supplémentaire qui naît de l’exagération. Vous ne devriez pas lui permettre d’émerger. C’est très important. C’est ce que le Bouddha recommandait : n’exagérez pas la souffrance, ne l’amplifiez pas.
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