Regarder profondément / Les feuilles miraculeuses

Dans cette lettre aux enfants datant de 1987, Thich Nhat Hanh (Thây) raconte une histoire sur la façon d’apprécier pleinement la beauté des objets ‘naturels’, tels que les feuilles et les cailloux.

Notre professeur Thich Nhat Hanh (Thây) pratique la méditation marchée avec les enfants.

Les feuilles miraculeuses

Hameau du Haut, le 15 octobre 1987

Mes chers enfants,

Thây aimerait vous raconter une histoire à propos des feuilles d’arbres que Thây et quelques enfants ont ramassées en juin, dans les bois de la montagne, à côté du Monastère ‘Kim Son’ (Temple bouddhiste en Californie). Nous étions en retraite avec 250 personnes. Il y avait 24 enfants et, ce jour-là, Thây et les enfants dirigeaient la marche méditative avec l’ensemble de la Sangha. Le chemin à travers les bois était magnifique. Thây a vu une feuille d’arbre et l’a ramassée. Cette feuille était de la taille des deux pouces d’un enfant de 10 ans. Elle était très belle et aux multiples couleurs : rouge, verte, violette et jaune. On pouvait clairement voir ses nervures. Thây a donné la feuille à la petite Vi.

Nous nous sommes arrêtés au Jardin de la Piété pour nous reposer. Tout le monde s’est assis sous les arbres et a entonné ‘L’île intérieure’ en vietnamien et en anglais. Quand le chant s’est terminé, Thây a dit : “J’aimerais vous donner de bonnes nouvelles. Pendant la méditation marchée, Thây a trouvé la plus belle feuille de la forêt et l’a donnée à Little Vi”. Puis Thây s’est tourné vers la petite Vi et lui a dit de montrer la feuille à la Sangha. Tout le monde s’est alors concentré sur la feuille. La feuille est devenue intensément présente. Et, en effet, elle était particulièrement belle et magnifique. Puis Thây a poursuivi son récit : “Dans notre vie quotidienne, nous rencontrons souvent de nombreuses choses infiniment belles et merveilleuses. Mais parce que nous ne faisons pas attention, nous ne sommes pas capables de les voir. Et c’est vraiment dommage.”

Ensuite, la Sangha s’est levée et a continué à marcher en silence. De retour au Monastère, dans la cour de ‘la salle des Patriarches’, les personnes se sont rassemblées pour écouter les guidances concernant la méditation marchée. Thây a dit à la petite Vi d’offrir la feuille à sa maman car c’était la chose la plus précieuse de sa journée. Et sa maman a été extrêment heureuse de recevoir ce cadeau inestimable. La mère et la fille se sont joyeusement enlacées en présence de la Sangha.

Le lendemain, lors d’une marche méditative dans les bois, les enfants ont ramassé 12 feuilles et les ont offertes à Thây. Thây était très heureux de ce cadeau et il a placé les feuilles dans les deux poches de sa veste. C’était déjà le mois de juin mais, ce jour-là, il faisait froid. Chaque jour, la Montagne Madonna était couverte de brouillard et il fallait encore porter des vêtements chauds. À la fin de la méditation marchée, Thây a expliqué à la Sangha que les enfants lui avaient offert 12 belles feuilles : “Chère Sangha, je suis très heureux d’avoir reçu les feuilles en cadeau de la part des enfants. Mais je ne veux pas garder ce bonheur pour moi tout seul. Je veux le partager avec vous.”

Thây a ensuite suggéré que chaque enfant reprenne une belle feuille et l’offre à son papa ou à sa maman. Tout le monde a suivi sa respiration en regardant les enfants offrir leur cadeau à leurs parents. Après cela, ils ont pratiqué la méditation de l’étreinte, comme l’avait enseignée Thây ce matin-là. Les enfants se sont étreints en pleine conscience afin de prendre pleinement conscience du bonheur de leur capacité à étreindre et à être étreint. La Sangha a observé cette pratique en silence et s’est sentie aussi touchée que si elle participait à une cérémonie de la rose. Bien que le cadeau n’était qu’une simple feuille, l’immense bonheur qu’il apportait en a fait un don extrêmement précieux. Il n’est pas nécessaire de dépenser beaucoup d’argent pour acheter des cadeaux à notre bien-aimé. Notre pleine conscience nous donne la capacité de trouver d’innombrables cadeaux inestimables. La façon dont nous nous regardons l’un l’autre, ou l’existence de nos deux bras, tout peut être cadeau inestimable.

Au cours de la méditation marchée du lendemain, les enfants ont ramassé des feuilles encore plus belles. Certains enfants ont également rassemblé d’autres choses tout aussi merveilleuses, notamment un caillou aussi scientillant qu’un diamant ou, un coquillage en forme de spirale, un peu comme la citadelle Co Loa du Vietnam ancien.

Ce jour-là, une brume dense flottait dans l’air et les arbres étaient gorgés d’eau. Toutes les feuilles étaient couvertes de rosée. Les deux poches de Thây (qui n’étaient pas très grandes) étaient remplies de feuilles, de cailloux et de coquillages. Il y avait au moins 60 feuilles, toutes très humides. Dans une de ses poches, Thây avait déjà une petite horloge carrée (comme celle qu’on utilise pour la méditation assise) et un morceau de papier sur lequel était écrit un poème sur la marche méditative. Le papier était plié en quatre. Même si elle été mouillée, l’horloge n’a pas été endommagée. Mais le papier s’est détrempé et le poème s’est étalé sur la page. Thây s’en est aperçu à la fin de la marche méditative, mais cela ne l’a pas dérangé. Il pouvait demander au poète de le réécrire car celui-ci faisait partie des retraitants présents jusqu’à la fin de la retraite. Thây dit alors à la Sangha : “Chère Sangha, aujourd’hui je suis la personne la plus heureuse sur Terre parce que les enfants m’ont offert une multitude de belles feuilles, de jolis cailloux et de précieux coquillages. J’ai besoin de partager ce bonheur avec vous.”

Thây a proposé aux 24 enfants de s’approcher pour recevoir chacun une feuille, un caillou ou un coquillage en vue de l’offrir ensuite aux autres personnes présentes (que les enfants avaient pris l’habitude d’appeler ‘tante’ ou ‘oncle’). Thây expliqua : “Vous pouvez offrir un cadeau à n’importe qui, comme vous l’avez fait hier pour votre papa ou votre maman”. Et comme il y avait beaucoup de cadeaux, chaque enfant a eu la possibilité d’en offrir à deux ou trois personnes. Ce matin-là, le bonheur a été partagé par tous.

Les enfants présents étaient Thành, Đông, Thảo, Hàm, Lân, Ngọc Anh, Victor, Trân, Minh Đức, Ngọc Đức, Hùng, Hoa, Tân, Huy, Phượng Thư, Quốc, Trung, Quán Anh, Thụy Anh, Phương Thủy, Phong Lan và Duy Ái. Ce jour-là, chacun d’entre eux a apporté du bonheur à de nombreuses personnes.

Mes chers petits, chaque jour, nous devons trouver le moyen d’apporter du bonheur à une ou deux personnes en leur offrant un cadeau. Ces personnes peuvent être des membres de notre famille dont nous nous sentons proches ou bien nos amis. Un tel cadeau ne s’achète pas avec de l’argent, nous pouvons le trouver dès que nous gardons les yeux ouverts. Un sourire, quelques mots que l’on prononce, une étreinte sont autant de cadeaux tout prêts, qui ne manquent jamais et ne disparaissent jamais. Offrir un cadeau aux autres et leur apporter le bonheur de cette manière est la signification du mot ‘Maitri’ dans le bouddhisme. Maitri, c’est l’amour bienveillant, et l’amour bienveillant signifie apporter de la joie aux autres. Thây connaît un bon millier d’enfants vietnamiens en Europe, en Amérique et en Australie. Si, chaque jour, chacun de ces enfants apporte du bonheur à une personne, alors chaque jour ils peuvent rendre 1 000 personnes heureuses. Penser à cela donne de la joie à Thây pour toute la journée.

Savez-vous quel est le nom du futur Bouddha ? Son nom est ‘Maitreya’, ce qui signifie ‘Celui qui donne le bonheur’. Le mot ‘Maitreya’ vient de la racine du mot ‘Maitri’.

Le Bouddha Maitreya serait-il notre rassemblement à tous ?

Thây

Notre Maître, Thây, enseigne les 10 mouvements en pleine conscience

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Thich Nhat Hanh January 15, 2020

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