
Soeur Dieu Nghiem (Soeur Jina) est arrivée au Village des Pruniers en 1990 alors qu’elle avait reçu l’ordination monastique au Japon dans la tradition du Zen Soto. Invitée par Thay il y a plus de trente ans à rester au Village des Pruniers ‘à durée indéterminée’, Sœur Dieu Nghiem a touché la vie d’innombrables jeunes monastiques en sa qualité de sœur aînée tant aimée. Dans cet article, huit monastiques relèvent le défi de partager (brièvement) certains moments merveilleux vécus avec leur sœur aînée bien-aimée.
Le sage magicien
Un partage de Sœur Mẫn Nghiêm
Notre très chère sœur Dieu Nghiem, que nous, toutes jeunes moniales, appelions affectueusement la « Révérende Mère », est une véritable enseignante. Elle a toujours une façon habile et ludique de taquiner ses élèves afin que nous découvrions des pépites de sagesse par nous-mêmes, à notre rythme et dans notre espace. A chaque fois, elle nous incite à sortir des sentiers battus, à prendre en compte toutes les perspectives de chaque situation. Les véritables enseignants aident leurs élèves à devenir à leur tour des enseignants, sans même réellement s’en rendre compte sur le moment. Sœur Dieu Nghiem est une magicienne qui voit le bon côté des personnes et les aide discrètement pour qu’elles prennent confiance en elles et s’épanouissent en tant qu’êtres humains heureux. Elle possède l’art de ne pas se laisser enfermer dans deux options : Est ou Ouest, Aîné.e.s ou Jeunes, bien ou mal, bon ou mauvais, conflits ou harmonie. Elle n’impose pas aux autres des normes arbitraires qui peuvent nous donner l’impression d’être coincé.e.s dans des sables mouvants moraux.
Je me souviens d’un soir où la sangha s’est réunie après le dîner ; la discussion était très animée. Nous n’arrivions à aucune conclusion. L’atmosphère était si tendue que j’avais du mal à respirer. En tant que toute jeune moniale à l’époque, je me souviens avoir été remplie d’effroi, me demandant comment tout cela allait bien pouvoir se terminer. Il se faisait tard et, après plus de deux heures, la situation semblait désespérée. Puis, j’ai entendu cette voix calme et angélique reconnaître que nous étions toutes épuisées par cette longue journée et que nous pourrions peut-être reprendre notre réunion le lendemain, lorsque nous serions plus reposées. Ah oui, c’était bel et bien une option ? ! Il n’était pas nécessaire de faire un choix entre deux seules possibilités ? Mon cerveau de bébé moniale ne pouvait tout simplement pas comprendre. Je veux dire, nous ne sommes pas obligées d’aller à l’extrême et prendre la décision maintenant !? J’avais l’impression de vivre une véritable zone de guerre et pourtant, elle me dit qu’il n’y a pas de mal à faire une pause ? Nous n’avions jamais interrompu une longue réunion auparavant ; nous devions toujours continuer jusqu’à parvenir à un résultat, quoi qu’il arrive ! Mes yeux se sont écarquillés devant cette possibilité. Je ne pouvais m’empêcher de fixer cette sage magicienne aux yeux bleus qui s’appelait alors Sœur Abbesse.
C’est l’une des impressions les plus durables que j’ai ressenties auprès de Soeur Merveille Véritable et elle a façonné mon expérience des réunions et de la vie de la sangha dans son ensemble tout au long des années. Non ! Je n’ai pas à tomber dans les pièges d’une vision dualiste. Est ou Ouest ? Laïque ou monastique ? Aîné.e.s ou jeunes ? Quelqu’un pourrait dire : « Où est votre loyauté ? » Ha ! La liberté intérieure et le fait de ne pas être attaché.e à des points de vue sur le bien et le mal, voilà la voie à suivre ! Notre très chère sœur Dieu Nghiem possède ce super pouvoir naturel d’harmoniser les points de vue, simplement grâce à son ouverture d’esprit et à sa volonté de reconnaître toutes les perspectives et toutes les expériences. Je suis éternellement reconnaissante envers sa manière de façonner la sangha et son inclusion de tous les membres de la sangha. Que nous soyons timides ou francs, elle veille toujours à ce que toutes les voix soient entendues.
En parlant de réunions, chaque fois que nous faisions un tour de table et qu’une sœur disait : « Je n’ai rien à partager », Sœur Dieu Nghiem n’en restait pas là. Elle répondait simplement : « Ah, vous n’êtes pas encore prête. Ce n’est pas grave, nous allons continuer et à la fin, nous reviendrons vers vous. » À l’époque, nous trouvions un peu ennuyeux le fait de ne pas pouvoir nous cacher dans l’ombre de nos aînées, mais aujourd’hui, avec le recul, beaucoup d’entre nous se souviennent de cette époque avec un petit rire reconnaissant. Et, bien sûr, nous perpétuons cette tradition en incitant nos jeunes sœurs timides à partager. La sagesse de la magicienne se perpétue !

Vérifier et clarifier notre intention
Un partage de Soeur Lễ Nghiêm
Chère Sư mẹ (mère du Dharma) Jina,

Je me souviens du jour où je suis arrivée pour la première fois au Hameau du Bas, un jour d’automne 2004. Ce matin-là, une sœur aînée m’a accompagnée pour vous rencontrer et vous rendre hommage. Vous étiez assise près du vieux clocher. Avec un sourire doux et chaleureux, et un clin d’œil affectueux de vos yeux bleus irlandais, vous m’avez dit : « Bienvenue ! ». Après mon ordination de novice et pendant toutes les années que j’ai vécues au Hameau du Bas, j’ai été votre élève (mentee).
Que de merveilleux et profonds enseignements reçus de vous ! Comment puis-je partager tous les souvenirs et les enseignements acquis auprès de vous ? Il y a cependant un enseignement que j’ai constamment conservé avec moi et que j’incarne dans ma pratique quotidienne : c’est de toujours vérifier mon intention et d’être claire sur celle-ci.
Vous m’avez toujours donné la liberté de faire des choix et de prendre des décisions, et vous m’avez toujours encouragée à le faire. Vous m’avez encouragée et permis de me tenir debout, de grandir, d’être responsable et indépendante. Ce sont des trésors que je garde dans mon cœur tout au long de mon voyage de ‘retour à la maison’. Je me sens tellement chanceuse et reconnaissante d’avoir été votre élève au cours de toutes ces années.
En m’inclinant profondément en signe de reconnaissance, je vous adresse ma gratitude et mon amour les plus profonds et je vous souhaite le meilleur.
Con, Lễ Nghiêm
“Je suis là pour vous soutenir”
Un partage de Soeur Bội Nghiêm
Sœur Dieu Nghiem est l’une de ces rares personnes dont j’aimerais ne jamais oublier l’intégralité des paroles. Sa sagesse est telle qu’elle m’incite à m’arrêter et à réfléchir à mes pensées, à mes paroles et à mes actions. Lors de ma visite au Hameau du Bas en septembre 2024, j’ai eu le privilège de passer du temps avec elle, en marchant dans les paysages sereins et pittoresques de Loubes-Bernac. Les collines ondulantes, la verdure éclatante et l’atmosphère tranquille ont créé un cadre idéal pour des conversations enrichissantes.
Tout en marchant, je l’ai interrogée sur de nombreux aspects de sa vie : son enfance, ses débuts en tant que novice, ses expériences au Village des Pruniers, son point de vue sur l’état actuel du monde et ses réflexions sur la vie de la communauté actuelle. Ses réponses franches et réfléchies m’ont mise à l’aise, créant une atmosphère de confiance propice à l’exploration de tous les sujets. Non seulement elle a accueilli mes questions à cœur ouvert, mais elle m’a aussi adressé les siennes, m’invitant à partager mes aspirations et mes réflexions en toute honnêteté.
À un certain moment, j’ai partagé ce point qui me tenait à cœur : « Je suis à un moment de mon parcours monastique où mon aspiration et ma joie les plus profondes sont de contribuer à rendre les centres du Village des Pruniers en Occident plus accueillants, plus inclusifs et plus amicaux pour nos amis BIPOC (Noirs, Indigènes et Personnes de Couleur). Nous nous sommes arrêtées à mi-chemin. Sœur Dieu Nghiem s’est tournée vers moi, son regard compatissant était stable et rempli de chaleur. « Nous devrions le faire », a-t-elle dit.
« Continuez à faire ce que vous faites. Je suis là pour vous soutenir. » Ses mots m’ont fait l’effet d’une affirmation à la fois douce et résolue, qui m’a donné un sentiment de force et de validation. Alors que nous reprenions notre marche, j’ai emporté ses encouragements avec moi, me sentant revigorée et plus confiante dans mes aspirations.
Sœur Dieu Nghiem a toujours encouragé ses jeunes frères et sœurs à sortir de leur zone de confort, à découvrir les possibilités infinies qui naissent de notre capacité à aimer, à servir, à soigner et à guérir.
Ce jour-là, en marchant à ses côtés, j’ai ressenti plus que jamais la force de ses encouragements. Je sais, sans l’ombre d’un doute, que Sœur Dieu Nghiem est là pour me soutenir. Je suis repartie avec la détermination renouvelée de me consacrer à cette aspiration, non seulement pour ma propre croissance, mais aussi pour les innombrables personnes qui un jour trouveront refuge et sentiment d’appartenance au sein de la communauté du Village des Pruniers. Et je sais que Sœur Dieu Nghiem est là pour les soutenir.