Un pèlerinage de gratitude

Sœur Chân Đào Nghiêm

Honorer notre bien-aimé enseignant, Thich Nhat Hanh, au Vietnam

Le 29 janvier 2024, plus de 400 monastiques de tous les centres du Village des Pruniers et des pratiquants laïcs de plus de 30 pays se sont réunis au Temple Racine Từ Hiếu pour honorer Thầy. Ces extraits du journal de Sœur Đào Nghiêm, couvrant la période du 18 janvier au 16 février 2024, reflètent ses expériences profondes lors de ce pèlerinage inoubliable.

Me préparant pour un voyage de retour au Vietnam, je ressens un lâcher-prise, une douce reddition à la simplicité et à la présence. Ce voyage honore Thầy, mon maître bien-aimé, et m’invite à vivre la culture vietnamienne avec une profonde gratitude et humilité. C’est ma troisième visite, une continuation des voyages précédents inspirés par ses enseignements, une expression d’amour et de reconnaissance.

Notre groupe de 15 sœurs quitte Bordeaux avec un mélange d’excitation et d’anxiété de dernière minute. Des retards à Paris créent une incertitude, mais Vietnam Airlines nous attend. C’est comme si nous étions portées par un fil invisible de confiance. À notre arrivée à Hô Chi Minh-Ville, nous nous dirigeons vers Huế, où des visages familiers nous accueillent chaleureusement, enveloppés par la gentillesse bien-aimée de notre famille monastique. Un moment de  joie profonde m’attend à notre arrivée au monastère. Je vois deux de mes aînés monastiques debout au bord de la route, attendant un taxi. Mon cœur se remplit de bonheur en les voyant. L’un me prend dans ses bras avec une étreinte chaleureuse et sincère, et, dans ce simple geste, je me sens profondément accueillie – portée par la bienveillance durable de notre communauté. C’est l’essence de notre famille spirituelle – une présence, un sourire, un geste, chacun me rappelant que nous avons tous notre place en elle.

Voir plus de 400 monastiques réunis pour une retraite monastique au Monastère Diệu Trạm me remplit d’une gratitude profonde envers Thầy et la famille spirituelle qu’il a créée. C’est une réunion émouvante avec nos sœurs et frères du monde entier. Ensemble, nous avons partagé des moments de doute, de soutien mutuel et de croissance. Notre rassemblement est un hommage à l’héritage de Thầy, une communauté connectée par la pratique et l’amour.

La diversité culturelle de notre Sangha nous enrichit, mais elle nous demande aussi de travailler ensemble pour cultiver l’harmonie et la compréhension. Notre engagement à garder la flamme de la sangha vivante est fondé sur une détermination commune à construire non seulement une communauté, mais une famille universelle. La gratitude que je ressens pour Thầy est profonde.

Merci, Thầy, de m’avoir appris à marcher, à écouter, à aimer, à être vraiment présente. En ton nom, nous continuons à bâtir cette sangha, avec la compassion et la clarté que tu nous as léguées.

Lors de notre séjour, nous rendons visite à des moines et nonnes vénérables associés au Village des Pruniers et écoutons leurs souvenirs sincères de Thầy, qui nous remplissent de respect et d’admiration pour notre maître. La retraite monastique se déroule harmonieusement avec des enseignements, des méditations et des sessions de partage du Dharma. Près de la hutte de Thầy, au bord de l’étang de lotus, je ressens sa présence silencieuse dans la lumière du soleil qui filtre à travers les arbres – un rappel silencieux et bienveillant de ses enseignements.

Rendre hommage à l’engagement de Thầy pour la communauté me fait réaliser que bâtir la Sangha est une belle transmission qu’il nous a laissée. Thầy nous rappelait souvent de consulter la Sangha, nous apprenant à contribuer et à nous appuyer les uns sur les autres. Ses mots, « Je suis un membre de la Sangha », résonnent en chacun de nous, nous inspirant à préserver et à nourrir cette communauté.

Les cérémonies en l’honneur de Thầy, où il devient formellement un enseignant ancestral dans notre lignée, commencent à l’aube. Les frères et sœurs se rassemblent devant le temple Từ Hiếu, formant une procession solennelle derrière les moines vénérables qui mènent les chants rituels. Le mantra « Je suis chez moi, je suis arrivée » résonne dans mon esprit, m’ancrant dans l’instant présent et me permettant de savourer chaque pas, chaque sensation, malgré la foule qui nous entoure.

Plus tard, une marche paisible avec une jeune sœur dans les petites rues autour du monastère apporte des moments de légèreté et de facilité alors que nous découvrons de nombreux jardins, de vieilles maisons et un grand parc. Je visite ensuite la hutte de Thầy, reconstruite comme un sanctuaire paisible imprégné de sa présence. Je ressens la chaleur de sa guidance et la certitude douce que son esprit perdure en nous.

Je suis un membre de la Sangha, Je suis chez moi, je suis arrivée

Nous continuons vers la pagode Báo Quốc, l’Institut bouddhiste où les récits de la jeunesse de Thầy mettent en lumière sa détermination à défier le conservatisme de l’époque et à choisir, avec une conviction inébranlable, sa propre voie. À la pagode Liễu Quán, nous rendons hommage au stūpa de l’un de nos principaux maîtres racines et ressentons une profonde connexion avec nos propres racines. L’expérience est couronnée par un moment de douceur lorsqu’un papillon se pose sur ma main, symbole de grâce et de présence.

Avec mes compagnes de voyage, nous rions et partageons des moments spontanés qui nous rappellent l’esprit jeune de Thầy. Sa discrète défiance et sa douce audace continuent d’inspirer nos chemins.

Au parc Vĩnh Hằng, où Thầy a été incinéré, un humble stūpa et une statue marquent ce lieu sacré. Des centaines de personnes se rassemblent pour méditer et honorer sa mémoire. La présence de Thầy est palpable dans le vent et le chant des oiseaux. En marchant là-bas, je ressens qu’il est parmi nous, affirmant en silence la voie de chaque pas que nous faisons.

Notre pèlerinage se poursuit vers Phương Bối, le monastère d’origine fondé par Thầy, où sa vision d’une communauté dédiée à la paix et à l’amour a commencé. Avec révérence, je pose mes mains sur la base d’un ancien pilier de la salle de méditation, un précieux vestige de ses premières aspirations. Notre voyage nous emmène ensuite au mont Yên Tử, où nous passons deux nuits entourés de temples et de stūpas dans un lieu vibrant de l’héritage spirituel du Vietnam. L’histoire de Yên Tử – celle d’un roi devenu moine et fondateur de l’école de méditation ‘Forêt de Bambou’ – reflète une lignée de dévotion qui a profondément inspiré notre maître et nourri sa force et son courage pour nous transmettre le Dharma.

À la dernière étape de notre voyage, nous nous rendons au monastère Phùng Xuân pour célébrer Tết. Mon aspiration pour l’Année du Dragon 2024 était de “Laisser tout couler. Lâcher prise. Cultiver la paix intérieure. Sourire à la vie. Reconnaître la beauté chez mes sœurs. Arroser leurs belles graines. Ne pas laisser les graines d’irritation envahir mon esprit”. Ce voyage, reliant générations, cultures et mondes spirituels, touche à sa fin. Pourtant, en vérité, ce n’est que le début d’un voyage plus profond et plus enraciné – un voyage ancré dans la présence joyeuse, dans lequel l’héritage de Thầy continue de vivre à travers nous.

Ce pèlerinage a été empreint de connexions profondes enracinées dans notre héritage spirituel. J’ai ressenti la présence de mes ancêtres, et mon énergie s’est renouvelée. Dans mes sœurs, j’ai vu l’esprit de Thầy se refléter, me laissant avec un puissant sentiment d’unité et d’appartenance.

Soeur Dao Nghiem balayant en conscience à la Montagne Yen Tu

Laisser tout couler.
Lâcher prise.
Cultiver la paix intérieure.
Sourire à la vie.
Reconnaître la beauté chez mes sœurs. Arroser leurs belles graines.
Ne pas laisser les graines d’irritation envahir mon esprit


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What is Mindfulness

Thich Nhat Hanh January 15, 2020

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