Bouddhisme engagé / 4ème Enseignement : Dilemmes moraux et différences culturelles

Enseignement offert par Thây en 2008-2009 sur le thème de l’éthique – 4ème extrait– Retraite des pluies 2023-24

Chers amis, 

L'enseignement proposé par Thây via cet article est en vietnamien (sous-titré dans la langue de votre choix si vous vous connectez via You Tube) et fait partie des enseignements offerts par Thây en 2008 -2009 sur le thème de l'éthique. L'extrait proposé aborde plus spécifiquement les critères bouddhistes qui nous aident à nous orienter parmi les dilemmes moraux les plus profonds.

Nous continuerons à partager des vidéos sur ce thème, des extraits et des questions de réflexion tout au long des prochains mois. En regardant l'enseignement sur YouTube vous pouvez générer les sous-titres en français (traduction automatique).



Respirer pour embrasser la douleur

En situation de douleur, anxiété ou irritation, la respiration consciente peut embracer cette formation mentale et contribuer à l’apaiser. Un des exercices proposés dans le Soutra Anapanasati consiste à apaiser le corps ; un autre nous invite ensuite à calmer la formation mentale, c’est-à-dire apaiser les sensations. L’émotion (ou sensation) est une énergie : elle peut être agréable ou désagréable.

Quand nous sommes en colère ou tristes, nous devons savoir comment respirer.

Détendez votre corps, la tête bien alignée avec la colonne, souple et douce, dans une grande détente. Sur l’expiration, vous sentez la détente de votre corps. Et vous faites de même sur l’inspiration. Vos deux épaules restent détendues ; seuls les poumons pompent l’air, vous n’avez aucun effort à faire, juste prêter attention au rythme de votre respiration.

Les critères bouddhistes appliqués aux dilemmes moraux

Le Bouddhisme parle de critères, d’indicateurs, de marqueurs ; le premier de ces critères est celui de la douleur (Khổ en vietnamien, 苦 en chinois) et du plaisir (Lạc, 樂). Si nous savons que quelque chose entraîne de la souffrance, nous ne le faisons pas. Et si autre chose apporte du bonheur, nous le faisons. Il s’agit du premier critère.

Ce critère n’est cependant pas absolu et nous ne pouvons pas l’utiliser seul. Il est par exemple très agréable de nous immerger dans les cinq désirs sensuels. Mais tôt ou tard nous serons en difficulté ; nous allons souffrir par la suite. Nous savons aussi que certaines souffrances nous aident à grandir en tant qu’êtres humains et à devenir plus résilients. C’est pour cette raison que le seul critère de souffrance et plaisir ne suffit pas à nous permettre de déterminer ce qui est juste ou erroné, bien ou mal.


Deuxième critère : Bénéfique ou Non-Bénéfique

Le deuxième critère est la paire ‘bénéfique’ (Lợi, 利) et ‘non-bénéfique’ (Hại, 害).

Le Bouddhisme nous indique que :

Tout ce qui fait émerger l’adelphité, la libération, l’éveil et la liberté est considéré comme bénéfique.

Et tout ce qui apporte attachement, douleur et tristesse ou déception est considéré comme non-bénéfique. Cela entrave notre chemin de libération.

Il y a certaines situations que nous devons endurer, elles sont bonnes pour nous, l’expérience nous est bénéfique. Mais il y a aussi des souffrances qui nous sont nuisibles. C’est pour cela qu’il nous faut un deuxième critère : la paire ‘bénéfique’ vs ‘non-bénéfique’ qui informe le premier critère ‘douleur’ / ‘plaisir’.


Comprendre ce qui est bénéfique : la Sagesse de Gandhi

Le 1er septembre 2008, j’ai offert à New Dehli un discours en commémoration du Mahatma Gandhi. Profitons de l’occasion pour entendre ce que Gandhi avait à nous dire :

“Nos ancêtres ont fixé une limite à nos indulgences. Ils avaient remarqué que le bonheur était surtout une condition mentale.

Un homme n’est pas nécessairement heureux parce qu’il est riche, ni malheureux parce qu’il est pauvre. Cette observation a amené nos ancêtres à nous dissuader du luxe et des plaisirs.

L’esprit est un oiseau sans repos ; plus il obtient et plus il désire ; et il demeure malgré tout insatisfait.”

~ Mahatma Gandhi

Gagner beaucoup d’argent pour consommer, se livrer aux plaisirs sensuels, engendre plus de tort que de bien. Le désir ne connaît pas de limite. Vous connaissez le succès mais vous n’êtes pas satisfait, vous voulez davantage de succès encore. Vous ne parvenez pas à vous arrêter ; c’est pour cela que nos ancêtres nous ont conseillé d’instaurer des limites.

Parallèlement à cela, si nous pratiquons la modération (comme moins manger, ou vivre dans des conditions plus modestes), nous avons une sensation de légèreté et de paix. Cela nous aide à nous sentir plus libres et nous pouvons alors réaliser notre aspiration. C’est donc plus bénéfique.


Troisième critère : Illusion et Eveil

Outre le critère bénéfique / non-bénéfique, nous avons le critère illusion (Mê, 迷) / éveil (Ngộ, 悟).

Lorsque nous sommes trompés par l’illusion, les décisions que nous prenons ne sont pas très claires. Ce n’est que hors de l’illusion que notre vision est claire. Mais si nous restons trompés par l’illusion, il nous sera difficile d’écouter les conseils offerts par les autres, même s’il s’agit d’une vérité.

C’est pour cette raison que nous devons nous interroger en ces termes : suis-je ou non dans l’illusion ?

Qu’est-ce que l’illusion ? Si nous ne sommes pas en pleine conscience, nous sommes trompés. Si nous ne sommes pas concentrés, nous sommes dans l’illusion. Et si nous ne sommes pas en conscience, si nous n’avons pas la vision profonde, nous sommes trompés.

Les décisions que vous prenez lorsque vous êtes dans l’illusion ne seront peut-être pas correctes, elles risquent d’être erronées et de mener à la souffrance. à l’inverse, les décisions que vous prenez avec un esprit clair seront correctes. Il est donc dangereux de signer un contrat si vous êtes en état d’ébriété. Vous pouvez alors détruire votre famille ou faire faillite.

Une action qui est juste, qui est bonne, vraie, doit se considérer à la lumière de l’illusion et de l’éveil. Dans le Bouddhisme, c’est une façon de tirer le signal d’alarme.


Marque l’arrêt, se calmer et regarder profondément, en tant que Sangha.

Regarder plus profondément dans l’utilisation de la bombe atomique

Le 6 août 1945, les américains ont lâché la première bombe atomique sur la ville de Hiroshima. En l’espace de quelques minutes, 140.000 personnes de la ville furent tuées. Depuis lors, cette bombe a soulevé un grand nombre de questions.

Était-ce bien ou mal d’avoir lâché la bombe atomique ?

Pour certaines personnes, c’était la bonne chose à faire car, en dépit de ces 140.000 morts, cela a pu mettre un terme à la guerre. Si celle-ci avait perduré, les victimes auraient été bien plus nombreuses. D’autre part, d’autres disent que les américains auraient pu recourir à d’autres moyens que la bombe.

J’ai examiné cette question en profondeur à de nombreuses reprises et je constate que larguer la bombe atomique sur Hiroshima et Nagasaki ne peut se résumer au seul objectif de mettre fin à la guerre. Je vois en effet que les États-Unis voulaient aussi tester cette bombe. Et même s’ils avaient déjà effectué des tests, cela n’avait pas encore eu lieu sur une ville. L’explosion de cette bombe allait peut-être montrer au monde que les États-Unis étaient ‘numéro un’. Aucune autre nation ne possédait cette arme. Le prestige et le pouvoir des États-Unis allait lui aussi s’accroître.

L’objectif de la bombe n’était pas seulement d’amener le Japon à capituler mais aussi de prouver la superpuissance des États-Unis. Soudain, la position de l’Amérique devint inégalée dans le monde. D’un point de vue militaire, c’est une chose ; mais c’en est une autre sous l’angle politique.

Nous devons regarder profondément pour voir le type de pensée qui a pu conduire à la décision de larguer la bombe. Il ne s’agissait pas uniquement de restaurer la paix et mettre fin à la guerre. Il y avait aussi d’autres motivations derrière.

Il s’agit là de grands problèmes d’éthique que nous devons examiner de près.


Thây poursuit son enseignement en abordant le thème des autres critères qui peuvent nous aider à naviguer parmi les dilemmes moraux, et celui du critère ultime qui transcende toutes les notions.

Extrait de l’enseignement offert par Thich Nhat Hanh le 11 décembre 2008 –
Temple du Nectar du Dharma, Village des Pruniers, France

Critères bouddhistes sélectionnés par Thich Nhat Hanh :

Douleur – Plaisir

Bénéfique – Non bénéfique

Dans l’illusion – Eveillé

Prescription – Prévention

Ouvert – Obstruant la voie

Aligné avec les enseignements – approprié

Critère ultime : au-delà de toutes les catégories

Cet article fait partie d’une série d’enseignements et témoignages sur le thème de l’éthique et du Bouddhisme engagé


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What is Mindfulness

Thich Nhat Hanh January 15, 2020

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