La période de Noël est toujours une occasion de méditer sur le thème de la Maison, de revenir à sa vraie demeure. Beaucoup d’entre nous sont à la recherche d’un vrai chez soi.
Si nous savons comment créer un sentiment de paix, de joie, un sentiment de bonheur dans notre corps et dans notre esprit, nous sommes en train de créer une véritable maison pour nous-mêmes. Dans son enseignement du 24 décembre 2013, notre Maître Thích Nhất Hạnh partage des exercices concrets – issus du Soutra de la pleine conscience de la respiration – qui nous aident à ramener notre esprit « à la maison », à guérir notre douleur et à générer de la paix et de la joie en nous.
Propos basés sur l’Enseignement de Thich Nhat Hanh du 24 décembre 2013, au Hameau du Haut, Village des Pruniers, France
Sommaire
- Trouver sa vraie demeure
- Revenir à son corps
- Se réconcilier avec son corps
- Guérir son corps
- Générer de la joie et du bonheur
- Reconnaître sa souffrance
- Prendre soin de sa souffrance
- Pratiquer avec la Sangha
- Construire sa vraie demeure, sa Sangha
- Avoir une forte aspiration
- Continuer l’oeuvre de Bouddha et de Jésus
Noël est toujours l’occasion pour nous de méditer sur le thème de la maison, de notre vraie demeure. Avons-nous un « chez-nous » ? Telle est la question.
Trouver sa vraie demeure
Le Bouddha, lorsqu’il était jeune, n’avait pas de véritable « chez soi », bien qu’il soit né prince, bien qu’il ait eu beaucoup de confort matériel, bien qu’il ait su qu’il allait devenir roi. Il ne se sentait pas chez lui. Il était malheureux malgré tout le confort et les conditions matérielles qu’il avait. Il a donc quitté le palais afin de trouver une véritable demeure. Jésus-Christ, quant à lui, est né réfugié. Il a aussi essayé de trouver « sa maison ». Dans l’évangile, Jésus dit que les renards ont des tanières, et les oiseaux du ciel ont des nids; mais le Fils de l’homme n’a pas où reposer sa tête. Le Bouddha et le Christ n’avaient pas de véritable « chez eux » mais ils ont tous deux pratiqué et ils ont trouvé leur véritable demeure. Et vous êtes leurs continuations. Vous êtes la continuation du Bouddha, vous êtes la continuation de Jésus-Christ. Vous pouvez suivre l’enseignement et la pratique afin de trouver votre chez-vous.
« Ai-je un vrai “chez-moi” ? » Une vraie demeure est un endroit où l’on se sent bien, à l’aise. Nous n’avons plus envie d’aller nulle part, nous nous sentons vraiment chez nous. Avez-vous trouvé un tel endroit ? Beaucoup d’entre nous sont encore à la recherche de leur « chez-soi », certains ne l’ont pas encore trouvé.
Quand vous venez au Village des Pruniers, nous vous proposons une pratique qui vous aide à arriver, à retourner « chez-vous ». Et cette pratique est très concrète. Votre vraie maison n’est pas exactement située dans l’espace ni dans le temps. Partout où vous allez, vous pouvez trouver votre véritable demeure. Au Village des Pruniers nous disons souvent « Je suis chez moi, je suis arrivé », ce qui représente le premier fruit de notre pratique. Si vous pratiquez bien, vous pouvez arriver à la maison à chaque respiration et à chaque pas.
Chaque respiration peut nous ramener à notre vraie demeure, chaque pas également. Vous n’avez plus besoin de chercher votre maison ailleurs ou dans le futur, mais vous pouvez la trouver ici et maintenant.
Revenir à son corps
Êtes-vous en conflit avec votre corps ? Avez-vous déjà fait connaissance avec votre corps ? Pouvez-vous vous sentir chez vous dans votre corps ? Lorsque vous passez deux heures devant votre ordinateur, vous oubliez complètement que vous avez un corps. Et lorsque l’esprit n’est pas avec le corps, vous n’êtes pas vraiment là, vous n’êtes pas vraiment vivant. Dans l’enseignement du Bouddha, vous n’êtes vivant que lorsque votre esprit et votre corps sont ensemble. L’esprit devient alors un esprit incarné.
Mais comment unir le corps et l’esprit ? Il suffit d’inspirer en pleine conscience. Lorsque nous pratiquons la respiration en pleine conscience, nous concentrons notre attention sur notre inspiration et nous ramenons ainsi notre esprit à notre corps. Cela ne prend que deux ou trois secondes. Ainsi, votre corps et votre esprit sont réunis. Et cela peut être réalisé par une seule inspiration. C’est si facile, chacun d’entre nous peut le faire. Il suffit de prendre plaisir à inspirer et à ramener notre esprit dans notre corps. Alors, soudainement, nous sommes pleinement présents dans l’ici et le maintenant. Donc la première chose que nous pourrions aimer faire est de revenir « à la maison » en reconnaissant que nous avons un corps. Notre corps est notre première maison.
Dans l’ici et le maintenant, il y a tant de merveilles de la vie. Tout d’abord, votre corps est une merveille de la vie. Et puis l’air que vous respirez est une merveille de la vie. Et la pluie est une merveille de la vie. Et la fleur est une merveille de la vie. Et tout ce qui nous entoure est une merveille de la vie. Et lorsque nous rentrons dans notre corps, nous avons la possibilité de reconnaître toutes ces merveilles de la vie qui sont disponibles dans le moment présent. Si nous le faisons bien, alors tout cela devient notre véritable maison.
Au Village des Pruniers, nos frères et sœurs ont programmé une cloche de pleine conscience sur leur ordinateur. Tous les quarts d’heure, la cloche est invitée. Ils arrêtent alors de travailler, de penser et ils reviennent à leur respiration. Ils reviennent à leur corps. Ils sentent qu’ils sont vraiment vivants. Ils apprécient la respiration en pleine conscience au moins trois fois et sourient avant de poursuivre leur travail. Vous pouvez peut-être faire de même. Vous pouvez télécharger une cloche de la pleine conscience qui vous rappellera de temps en temps de revenir à votre corps, d’être vivant. La vie est courte.
Cependant, quand nous revenons à notre corps, nous pouvons aussi remarquer qu’il y a beaucoup de tensions et de stress dans notre corps. Nous avons travaillé très dur et nous avons laissé les tensions et les douleurs s’accumuler dans notre corps. Nous n’avons pas été assez bienveillant avec notre corps. Ce genre de conscience naît lorsque nous rentrons chez nous dans notre propre corps. En reconnaissant la tension, la douleur, le stress dans notre corps, nous souhaitons alors peut-être faire quelque chose qui puisse aider à relâcher la tension, à réduire la douleur dans notre corps.
Se réconcilier avec son corps
Le Bouddha nous fournit des exercices concrets qui nous aident à revenir à notre corps et à relâcher les tensions présentes dans notre corps. Le troisième exercice de respiration en pleine conscience proposé par le Bouddha est : « J’inspire, je suis conscient de mon corps. J’expire, je souris à mon corps ». C’est un acte de réconciliation avec son propre corps. Nous sourions à notre corps et nous lui disons : “Je suis désolé mon corps, je t’ai laissé tomber. Je t’ai négligé. J’ai permis au stress, à la tension et à la douleur de s’accumuler dans mon corps.”
Lorsque vous inspirez, vous revenez à votre corps, vous reconnaissez que votre corps est une merveille. Lorsque vous expirez, vous souriez à votre corps. Et juste un sourire peut apporter de la détente, parce que sourire est un acte d’amour.
Sur votre visage, il y a plusieurs centaines de muscles et lorsque vous êtes en colère ou inquiet, ils sont tous très tendus… plus de 300 muscles tendus. Mais si vous savez comment sourire, si vous pouvez relâcher la tension dans ces 300 muscles et que vous vous regardez dans le miroir, vous découvrirez que vous avez l’air beaucoup mieux. Assis dans votre voiture, vous pouvez par exemple vous regarder dans un petit miroir et voir si vous appréciez votre reflet. Si vous êtes tendu, il sera plus difficile d’apprécier votre reflet. Si une autre personne conduit, vous pouvez prendre le temps de respirer, de détendre votre corps, de sourire. C’est ça la pratique. Vous n’avez pas besoin d’aller dans une salle de méditation pour pratiquer la pleine conscience. Il suffit de s’asseoir dans sa voiture et de prendre le temps de respirer. Relâchez les tensions de votre corps et appréciez les collines, les arbres, ce que vous voyez par la fenêtre.
Reconnaître le corps, commencer par le corps, sourire au corps. Chaque jour nous pouvons profiter de cette pratique… et même plusieurs fois par jour. C’est là la vertu de la pleine conscience. La pleine conscience permet de créer des moments de paix, des moments de joie, des moments de relaxation, des moments de bonheur. Vous devenez bienveillant avec votre corps. Vous faites de votre corps une partie de votre vraie demeure.
Guérir son corps
Le quatrième exercice de la respiration en pleine conscience proposé par le Bouddha est : “J’inspire, je permets à mon corps de relâcher les tensions, J’expire, je relâche les tensions dans mon corps”.
Vous pouvez faire cet exercice au début d’une méditation assise par exemple. Pour profiter pleinement de chaque minute d’une méditation assise, votre corps doit être détendu. La première chose que vous pouvez donc faire est de permettre à votre corps de se reposer et de se détendre.
Vous êtes ici et maintenant et, en relâchant les tensions, vous donnez à votre corps une chance de se rétablir, de se guérir. Ne comptez pas uniquement sur les médicaments. Votre corps a le pouvoir de se guérir lui-même, si vous lui permettez de le faire. Et la façon de le faire est de lui permettre de se reposer, de relâcher les tensions. Rappelez-vous, lorsque vous vous coupez le doigt, vous n’avez rien à faire. Il suffit de le laver et votre corps sait comment le guérir. Vous devez donc croire au pouvoir de guérison de votre propre corps. Et vous devez autoriser votre corps à guérir.
Nous savons qu’un animal de la forêt, lorsqu’il est profondément blessé, sait ce qu’il doit faire. Il arrête de courir pour chercher quelque chose à manger. Il sait que ce n’est pas sage d’agir ainsi. Et ce genre de sagesse a été transmis à cet animal par plusieurs générations d’ancêtres. L’animal trouve un endroit et s’allonge sans rien faire. Parce que l’animal sait profondément que c’est le meilleur moyen de guérir. Parce qu’il n’a pas de docteur, il n’a pas de pharmacie, l’animal s’allonge pendant deux, trois, quatre jours, et il guérit. Normalement, seulement après cela, l’animal se lève et essaie de trouver quelque chose à manger.
Nous, les êtres humains, nous avions autrefois ce genre de sagesse. Mais avec l’âge moderne, nous avons oublié. Nous ne permettons plus à notre corps de se reposer, de relâcher les tensions. Nous dépendons entièrement des médicaments et c’est pourquoi ce quatrième exercice est très utile pour notre époque moderne.
Reconnaissez le corps, souriez-lui, puis relâchez les tensions dans votre corps pour l’aider à guérir.
Générer de la joie et du bonheur
Le cinquième exercice de respiration en pleine conscience proposé par le Bouddha consiste à générer un sentiment de joie. Le sixième consiste à générer un sentiment de bonheur. Chacun d’entre nous peut générer un sentiment de joie et de bonheur pour se nourrir. Et le moyen est assez simple. En inspirant en pleine conscience, vous ramenez votre esprit à votre corps. Corps et esprit réunis, vous êtes alors établi dans l’ici et le maintenant. Et vous pouvez réaliser que vous avez beaucoup de chance, que vous avez beaucoup de conditions de bonheur, que vous pouvez vous rendre heureux ici et maintenant.
Vos yeux sont encore dans de bonnes conditions. Il suffit d’ouvrir un peu les yeux pour entrer en contact avec le paradis des formes et des couleurs. Les huîtres qui vivent au fond de la mer, elles, n’ont pas d’yeux. Elles n’ont jamais vu le ciel bleu et les étoiles. Elles n’ont jamais vu l’océan et les vagues. Vous avez des yeux et vous ne profitez pas de ce que vous voyez. Les huîtres n’ont pas d’oreilles. Mais vous, vous pouvez entendre le bruit du vent, le chant des oiseaux, et vous n’en profitez pas.
Ainsi, la pleine conscience nous aide à revenir à l’ici et au maintenant et à reconnaître toutes ces merveilles de la vie afin de pouvoir créer un sentiment de joie, un sentiment de bonheur. La pleine conscience est une source de joie et de bonheur parce qu’elle nous aide à reconnaître les conditions de bonheur que nous possédons déjà. Nous n’avons pas besoin de plus de conditions de bonheur. Nous avons des poumons. Nous pouvons respirer de l’air frais. Nous avons un cœur qui fonctionne encore normalement. Nous avons des pieds forts qui nous aident à courir et à marcher. Nous avons tant de conditions de bonheur, plus qu’assez pour être heureux.
Générer un sentiment de joie, générer un sentiment de bonheur est toujours possible pour un pratiquant de la pleine conscience. La joie et le bonheur sont la pratique. Et avec la respiration consciente, la marche consciente, vous pouvez créer un sentiment de joie et de bonheur quand vous le voulez et où vous le voulez. C’est l’art du bonheur enseigné par le Bouddha. Et chacun de nous devrait être un artiste capable de générer de la joie et du bonheur pour lui et pour les personnes qu’il aime.
Reconnaître sa souffrance
Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles nous avons abandonné notre corps. Parce que dans notre corps il y a peut-être des sentiments et des émotions qui ne sont pas agréables. Nous avons des sentiments, des émotions douloureuses, mais nous ne savons pas comment les gérer.
Le sentiment de solitude existe et la plupart d’entre nous cherchent à le dissimuler. Nous prétendons qu’il n’est pas là. La solitude, le désespoir, la colère, la peur, ils sont tous là, mais nous prétendons le contraire. Lorsque pour certains d’entre nous, nous ressentons un mal-être à l’intérieur, nous souhaitons l’oublier, le masquer. Nous allons chercher quelque chose à manger même si nous n’avons pas faim. Nous mangeons parce que nous pensons que manger peu nous réconforter. Et nous devenons dépendants de la nourriture parce que nous utilisons la nourriture comme un moyen de dissimuler la souffrance intérieure. Il y a aussi ceux qui allument la télévision et qui vont sur le web pour s’occuper, en espérant qu’avec tel film, tel divertissement, telle musique, ils pourront couvrir la souffrance en eux.
Ceci est la principale caractéristique de notre civilisation actuelle. Parce que nous ne savons pas comment prendre soin de nous-mêmes, parce que nous ne savons pas comment gérer la souffrance en nous, nous essayons de la couvrir par la consommation. Et les magasins nous fournissent toutes sortes d’objets tels que des appareils électroniques qui nous aident à nous fuir nous-mêmes et à couvrir le sentiment de mal-être en nous. C’est la direction de notre civilisation. Ce n’est pas une bonne direction, essayer de se fuir soi-même, de fuir sa famille, de fuir la nature. Si nous ne savons pas comment nous aimer, comment pouvons-nous prendre soin de et aimer les personnes de notre famille ? Nous ne nous fuyons donc pas seulement nous-mêmes, mais aussi notre famille et la nature, la nature qui a le pouvoir de nous nourrir et de nous guérir. La pratique de la pleine conscience nous aide à inverser cette tendance, à rentrer chez nous et à prendre soin de nous.
Avec le septième exercice de respiration en pleine conscience, le Bouddha nous conseille de reconnaître le sentiment douloureux, l’émotion douloureuse qui surgit. Un pratiquant de la pleine conscience doit savoir reconnaître un sentiment douloureux, une émotion douloureuse, et ne pas essayer de la fuir. Nous devons être là pour en prendre soin, et c’est là l’art de la souffrance. Nous avons appris l’art du bonheur et nous apprenons maintenant l’art de la souffrance, l’art de souffrir. Nous découvrons que si vous savons comment souffrir, nous souffrons beaucoup moins, beaucoup moins que les autres personnes qui ne savent pas comment souffrir.
Prendre soin de sa souffrance
Si vous savons revenir à notre corps et en prendre soin, si nous savons comment créer un sentiment de paix, de joie, de bonheur et que nous sommes en train de créer une véritable maison pour nous-même, et si nous savons reconnaître les sentiments ou émotions douloureuses en nous, alors nous pouvons commencer à apprendre à en prendre soin. Nous nous sentons alors plus à l’aise dans notre corps, avec nos sentiments, avec nos émotions. Et nous n’avons alors plus peur de la souffrance car nous avons appris à en prendre soin.
Notre douleur est une source d’énergie qui n’est pas agréable. Quand elle se présente, pour ne pas la fuir, nous devons apprendre à la gérer. Le septième et le huitième exercice de la respiration en pleine conscience proposés par le Bouddha nous apprennent à souffrir. Avec la pratique de la respiration et de la marche en pleine conscience, nous pouvons générer l’énergie de pleine conscience. Avec cette énergie de pleine conscience, nous pouvons reconnaître la présence d’un sentiment douloureux, d’une émotion douloureuse. Nous n’essayons plus de la dissimuler, de la fuir. Nous sommes là. Nous la reconnaissons. Nous pouvons reconnaître notre souffrance et lui sourire. « Bonjour ma douleur, mon chagrin, ma peur. Je vais prendre soin de toi. Ne t’inquiète pas, je ne m’enfuis plus, je sais comment prendre soin de toi ». C’est la voix de la pleine conscience.
Le septième et le huitième exercice de la pleine conscience consistent donc à reconnaître et à calmer le sentiment, l’émotion douloureuse en nous. Avec l’énergie de la pleine conscience, nous pouvons embrasser l’énergie de la peur, de la colère. « Bonjour à toi, ma colère, ma peur, ma solitude. Je vais prendre bien soin de toi ». Tout comme un grand frère qui tient son jeune frère dans ses bras, sans aucune violence. En tant que pratiquants de la pleine conscience, nous devons apprendre à faire cela. Et avec suffisamment d’énergie de pleine conscience, nous pouvons rentrer « chez nous » sans crainte. Nous ne risquons plus d’être submergés par un sentiment ou une émotion douloureuse.
Pour calmer un sentiment douloureux, pour calmer une émotion douloureuse, il est toujours possible de pratiquer la respiration ou de la marche en pleine conscience. Il est possible de survivre à une émotion forte, simplement en pratiquant la respiration et la marche en pleine conscience.
Et avec les exercices qui suivent, vous pouvez transformer radicalement cette douleur en vous.
Pratiquer avec une Sangha
Si vous êtes un débutant dans la pratique, vous pouvez emprunter l’énergie collective de la pleine conscience de votre communauté afin de vous aider à prendre soin de votre souffrance. Vous vous asseyez parmi nous, vous pratiquez la respiration en pleine conscience et vous demandez à la Sangha : « chers frères et sœurs dans la pratique, voici ma douleur, voici mon chagrin, voici mon désespoir. S’il vous plaît, aidez-moi à la reconnaître et à la soulager pour moi ». Ainsi, vous faites bon usage de l’énergie collective de pleine conscience de votre communauté et vous embrassez votre souffrance. Si vous pouvez faire cela, après seulement quelques minutes de pratique, vous souffrez déjà moins.
C’est comme une mère qui tient son enfant dans ses bras. Le bébé souffre, mais la mère prend le bébé et le tient tendrement dans ses deux bras. Et l’énergie de tendresse de la mère commence à pénétrer dans le corps du bébé. Et le bébé commence à moins souffrir. L’énergie de la pleine conscience commence à pénétrer dans la zone d’énergie de la douleur et libère la tension et calme la douleur. Et au début, nous pouvons demander à nos frères et sœurs dans la pratique de nous soutenir. Parce qu’ils nous prêteront leur énergie de pleine conscience. C’est pourquoi il est toujours plus facile de pratiquer avec la Sangha. Parce que nous pouvons faire bon usage de l’énergie collective de paix et de pleine conscience. Ainsi, nous construisons notre véritable demeure lentement, avec l’aide de nos frères et sœurs de la pratique.
La meilleure chose que l’on trouve en venant au Village des Pruniers, ce n’est pas la salle de méditation, ni la cuisine, ni le clocher, ni quoi que ce soit d’autre… C’est l’énergie de la Sangha. Parce que les moines et moniales qui vivent ici, pratiquent ensemble et créent l’énergie collective de la fraternité et de la sororité. Nous venons ici et construisons ensemble un véritable foyer. Nous partageons le même avenir. Nous vivons ensemble. Nous nous soutenons mutuellement. Nous nous écoutons les uns les autres. Nous nous aidons mutuellement à nous transformer. Nous avons le temps de nous asseoir ensemble, de manger ensemble, de marcher ensemble, de travailler ensemble, en tant que frères et sœurs dans notre communauté. Et cette communauté est notre véritable demeure. Et cette énergie collective de fraternité, de sororité, de joie et de pleine conscience est la meilleure chose que nous puissions offrir. Quand vous venez, c’est la meilleure chose que nous pouvons vous offrir.
Construire sa vraie demeure, sa Sangha
Le Bouddha avait un profond désir de pratiquer, de se libérer, d’aider les autres à moins souffrir et à connaître la paix et la joie. C’était son désir le plus profond, et il a été capable de le réaliser. Mais il savait que seul, il ne pourrait pas faire grand-chose. C’est pourquoi il a décidé de construire une communauté, une Sangha. Le Bouddha sans Sangha n’aurait pas pu pas faire grand-chose. Le Bouddha a donc commencé avec cinq amis qui avaient déjà pratiqué avec lui. Et à partir de là, il a construit une Sangha de plusieurs milliers de moines, de nonnes et de laïcs. Et tout le monde fut accepté dans sa sangha. Les rois, les ministres comme les pilleurs… Il n’y avait pas de discrimination. Le Bouddha a passé beaucoup de temps à construire la Sangha. Et après sa mort, sa communauté a continué son travail, en aidant les gens à moins souffrir.
Et Jésus a eu la même intuition. Il a fait de même et a construit une Sangha. Il n’a pas eu autant de temps que le Bouddha pour la construire, sa Sangha ne fut pas aussi grande que celle du Bouddha, mais ce fut le début du christianisme en tant que communauté, une communauté pour aider les gens.
Lorsque j’ai rencontré Martin Luther King à Chicago, pour la première fois, en 1966, nous avons discuté de l’importance de la Sangha. Je l’ai rencontré à nouveau à Genève et nous avons également discuté de la beauté de la Sangha. Et nous avons convenu que sans une Sangha, nous ne pouvions pas aller très loin. Sans une Sangha, nous ne pouvons pas continuer notre pratique aussi facilement. Sans Sangha, nous ne pouvons pas maintenir une pratique forte pendant une longue période. C’est pourquoi la construction de la Sangha est une partie très importante de la pratique. À cette époque, Martin Luther King avait utilisé le terme de “Communauté bien-aimée”. Au Village des Pruniers, nous utilisons le mot “Sangha”, c’est-à-dire une communauté où la fraternité, la sororité, la joie, la pleine conscience et la paix nourrissent tout le monde.
Martin Luther King a été assassiné peu de temps après notre dernière réunion, mais j’ai pu moi-même poursuivre la construction d’une Sangha en Occident. J’ai quitté mon pays en 1966. Je pensais que je ne visiterais l’Europe et l’Amérique que pour une durée de trois mois afin de demander la cessation de la guerre au Vietnam. Mais après cela, ils ne m’ont pas permis de rentrer chez moi. Et j’ai dû passer 40 ans en exil. Je n’avais pas de maison. Tous mes amis étaient au Vietnam. Tout mon travail était au Vietnam. Alors, sachant que j’avais quitté ma maison là-bas, j’ai commencé à construire une maison ici, en Europe et en Amérique. Aujourd’hui, dans chaque grande ville, il y a des groupes de personnes pratiquant la pleine conscience, affiliés au Village des Pruniers. Où que nous allions, la Sangha est avec nous.
La construction de la Sangha est quelque chose que nous prenons tous à cœur. Nous savons que c’est une partie, une partie très importante de notre pratique. Et lorsque nous partons quelque part, pour un week-end ou plus, nous sommes ensuite heureux de retrouver notre Sangha, simplement parce que la Sangha est notre maison.
Si vous êtes un ami du Bouddha ou de Jésus, vous devez construire une Sangha où que vous soyez pour continuer la pratique. Vous pouvez pratiquer de telle sorte que votre famille devienne une Sangha, que la communauté qui vous entoure devienne une Sangha, que cette communauté soit une entreprise, une école ou un hôpital. Ainsi, si les médecins et les infirmières savent comment pratiquer la pleine conscience, ils peuvent transformer l’hôpital en un centre de pratique. Et grâce à leur capacité à être détendus, souriants, à écouter profondément et à parler avec amour, ils peuvent aider les patients à guérir beaucoup plus rapidement. Ils ne travaillent pas seulement pour un salaire. Ils travaillent pour aider les gens à moins souffrir.
Avoir une forte aspiration
Comme Martin Luther King le dit : « J’ai un rêve », chacun d’entre nous a un rêve. Et quel est ce rêve ? Dans l’enseignement du Bouddha, il y a une source de nourriture qui s’appelle la volition. Chacun d’entre nous devrait prendre le temps de contempler la source de sa volition. Chacun d’entre nous devrait prendre le temps de découvrir son désir profond. Asseyez-vous, respirez et découvrez : « Qu’est-ce que je veux faire de ma vie ? »
Nous devrions avoir une forte aspiration, un désir fort. Nous devrions vouloir réaliser quelque chose avec notre vie. Parce que si nous avons ce désir, cette forte aspiration, nous avons alors beaucoup d’énergie. Et avec cette puissante source d’énergie, nous n’avons pas peur de surmonter les difficultés qui se présentent à nous. Nous avons donc besoin de ce genre d’énergie provenant de la volition, de l’aspiration.
L’année se termine. Nous pouvons nous demander : « Quelle est la chose que je veux faire dans ma vie ? ». Et sans doute que ce que nous voulons n’est pas seulement un confort matériel ou affectif. Nous voulons faire quelque chose de bien de notre vie. C’est pourquoi nous devons nous asseoir et nous demander cette question. Nous ne parlons pas seulement de préoccupations quotidiennes. Nous parlons de préoccupations ultimes. Chacun de nous devrait réfléchir à cette préoccupation : « Qu’est-ce que je veux vraiment faire de ma vie ? »
En tant que couple, vous devriez aussi vous asseoir ensemble et vous demander mutuellement : « Chéri, Chérie, quel est ton rêve ? Quel est ton désir le plus profond dans ta vie ? Peux-tu le partager ? Puis-je te soutenir ? » Si vous ne communiquez pas ainsi, vous ne pourrez pas vous comprendre suffisamment et votre bonheur ne sera pas assez fort. En tant que couple, c’est donc très important de s’assoir et de se demander : « Chéri, Chérie, as-tu un rêve à réaliser ? Et est-ce que nous partageons le même genre de rêve ? »
De même qu’un adolescent peut s’asseoir avec son père et lui demander : « Papa, quand tu étais jeune, avais-tu un rêve ? Quel était ton rêve ? Que voulais-tu faire dans ta vie ? As-tu été capable de le réaliser ? Est-ce que je peux t’aider à poursuivre ton rêve ? » Ce genre de conversation est très importante. Cela vous met en relation avec votre père. Un père et un fils devraient discuter entre eux. Et si votre père n’a pas été en mesure de réaliser son rêve, vous pouvez peut-être le réaliser pour lui. Et dans ce cas, il y aura une forte connexion entre le père et le fils.
Jésus avait un rêve. Le Bouddha avait un rêve. Et ils ont voulu le réaliser dans leur vie quotidienne. Donc, d’ici le début de l’année prochaine, vous pouvez y réfléchir. Vous pouvez écrire ou appeler une personne dont vous êtes proche et discuter de cela, discuter de préoccupations ultimes et non pas seulement de préoccupations quotidiennes. Et c’est aussi quelque chose sur laquelle nous pouvons réfléchir et méditer en ce jour de Noël.
Continuer l’œuvre du Bouddha et de Jésus
Lorsque nous organisons une retraite en Angleterre, en Allemagne, au Canada ou en Inde, nous voyons tant de personnes se transformer et guérir. Parce que la pratique de la pleine conscience que nous proposons est très pratique. Vous apprenez à relâcher les tensions, à réduire la douleur dans votre corps. Vous apprenez à générer un sentiment de joie, de bonheur. Vous apprenez à calmer un sentiment douloureux, une émotion douloureuse. Vous apprenez à écouter avec compassion pour aider l’autre personne à moins souffrir. Vous apprenez à parler pour aider l’autre personne, pour rétablir la communication, avec une écoute attentive et profonde et une parole aimante. Nous proposons une pratique qui aide à rétablir la communication et à se réconcilier. Et pour mener de telles retraites, nous devons avoir de nombreux frères et sœurs. Un seul enseignant, une seule personne ne peut pas gérer une telle retraite. Nous devons avoir une Sangha.
Lors de nos retraites, il y a des personnes qui ne sont pas à l’aise les deux premiers jours, qui deviennent plus détendues le troisième jour et qui sont très heureuses le cinquième jour. Elles ont été capables de se transformer. Elles ont été capables de se reconnecter avec elles-mêmes, parfois de rétablir la communication avec une autre personne, même si cette dernière ne participe pas à la retraite. Elles peuvent utiliser le téléphone pour pratiquer la parole aimante et l’écoute profonde. Le miracle de la transformation et de la réconciliation se produit toujours lors de nos retraites. Et nous, en tant que communauté, nous sommes nourris par ce genre de transformation et de guérison. Et cela nous encourage à continuer. Et nous savons que nous continuons l’œuvre du Bouddha, l’œuvre de Jésus-Christ.
Cher·es ami·es, chers frères et sœurs, ce jour de Noël est l’occasion de regarder à nouveau profondément dans notre vie et d’avoir une idée plus claire de ce qu’est notre véritable maison. Nous devons savoir ce que nous voulons vraiment. Nous devrions consacrer notre temps et notre énergie à construire notre vraie maison. Sans une vraie maison, nous ne pouvons pas réaliser notre rêve.
Joyeux Noël.
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