Enseignement offert par Thây en 2008-09 consacré à l’éthique – 2ème extrait

Chers amis,

Dans cet enseignement offert par Thây, nous examinons la cause profonde du mal-être   et nous voyons que la transformation du mal-être est le libre arbitre. 

Nous continuerons à partager des vidéos sur ce thème, des extraits et des questions de réflexion 
tout au long des prochains mois. En regardant l'enseignement sur Youtube vous pouvez accéder aux sous-titres en français.

Vos pas et votre respiration sont deux moyens très efficaces pour retrouver la souveraineté sur votre corps et votre esprit. Sans cela, nous nous laissons emporter par les agitations de la vie quotidienne.

Lorsque nous nous appuyons sur la respiration consciente et les pas en pleine conscience pour ramener l’esprit chez nous, vers le corps, nous commençons à développer une certaine souveraineté. C’est alors que nous marchons parce que nous voulons marcher et non parce que nous sommes entraînés ailleurs. Nous parlons parce que nous voulons parler et non parce que nous sommes comme possédés.

En philosophie, la question de l’existence du libre arbitre est souvent soulevée.

Dans le Bouddhisme, nous savons que si nous sommes en pleine conscience, nous commençons à avoir de la souveraineté, de la liberté. Notre liberté croît à mesure que notre pleine conscience et notre concentration se renforcent.

La pratique en pleine conscience de la respiration et de la marche m’apporte beaucoup de bonheur. J’ai l’habitude de recourir à différents poèmes de pratique, tels que ‘L’île intérieure‘, pour harmoniser mes pas et ma respiration avec les mots. Ces poèmes de pratique nous aident à prolonger notre concentration et à la maintenir vivante.

Le bonheur, c’est maintenant ou jamais

Les enseignements et pratiques du Village des Pruniers sont centrés sur le moment présent. Si vous cherchez à être en bonne santé, et même si vous ne l’êtes pas, si vous parvenez à vous arrêter dans le moment présent, si vous savez comment respirer et comment marcher, votre corps et votre esprit pourront bénéficier des éléments rafraichissants, sains et nourrissants disponibles dans le présent. Et cela apportera déjà des améliorations pour votre santé.

Ne faites pas dépendre vos espoirs de quelque chose dans l’avenir. Quelles sont vos chances d’être heureux dans le futur si vous ne parvenez pas à l’être maintenant ?

Quand nous produisons une pensée dérangeante, nous avons conscience que “Ceci est une pensée dérangeante. Elle n’est bonne ni pour ma santé ni pour mon bonheur.” Et c’est ainsi que nous pouvons agir.

Il peut y avoir une pensée dérangeante car nous savons que : Ceci est une pensée dérangeante. Et, dès lors, nous avons un moyen d’agir, parce que nous sommes conscients.

Le véritable mal-être d’aujourd’hui

L’énergie de violence est présente en nous. L’irritation, la colère, le désir de riposte ou de destruction, l’envie de faire mal à l’autre, le punir. Le terrorisme contient la violence, mais l’anti-terrorisme contient aussi de la violence.

Lorsque je visitais la Corée du Sud dans le cadre d’une tournée d’enseignements, j’ai participé à un rassemblement pour la paix organisé par un groupe inter-confessionnel. à cette époque, l’Irak n’avait pas encore été envahi mais les États-Unis avaient déjà commencé à envoyer leurs navires de guerre dans les environs et tout le monde savait qu’une invasion pouvait survenir à tout moment.

Je me suis exprimé lors de ce rassemblement pour la paix : “Supposons que vous soyez un civil vivant à Bagdad, un adulte ou un enfant, et que vous sachiez que dans quelques heures des bombes tomberont sur votre ville. Tout le monde dans la ville vivrait dans la peur constante de ne pas savoir quand la ville subirait les attaques, ou quand tomberaient les bombes sur vous.

Vivre ne serait-ce que 24 heures dans une telle peur constante va détériorer votre santé, sans parler de l’impact d’y être confronté nuit après nuit, mois après mois.

Il s’agit d’une sorte de terrorisme. Le terrorisme ne vient pas uniquement d’un côté. Les deux camps ont commis des actes de terrorisme. Et ce sont les citoyens qui doivent en payer le prix fort. Ce sont là les véritables éléments de mal-être de notre époque et nous devons les appeler par leur vrai nom.

La création du mal-être

Pourquoi tant de tensions dans le corps ?

Nos vies sont trop chargées. Nous voulons faire trop de choses. Nous sommes constamment aspiré.es vers le futur. Nous ne sommes pas véritablement installés dans le moment présent pour prendre soin de nous-même, nous détendre et relâcher les tensions. Au contraire, nous laissons les tensions s’accumuler jusqu’à ce qu’elles entraînent de nombreuses maladies.

Il nous appartient de réorganiser nos vies quotidiennes de façon à parvenir à nous détendre quand nous marchons, respirons et travaillons.

Nous avons le temps pour la pratique de la méditation assise et marchée. Et si nous pratiquons la relaxation chaque soir, nous dormirons mieux.

Le problème de la violence est en lien avec les tensions et le stress. Si nous sommes trop stressés, nous pouvons décider de rester calmes et résoudre nos difficultés de façon plus douce.

Notre mode de vie nous a mené au mal-être ; notre vie se fonde sur les perceptions erronées.

Nos perceptions établissent des distinctions, de la dualité, de la discrimination. “Son bonheur n’est pas mon bonheur. Sa souffrance n’est pas ma souffrance.” Or, la vérité, c’est que lorsque ces personnes souffrent, il vous est impossible d’être heureux.

La vision erronée est l’incapacité à voir la nature de l’impermanence, du non-soi et de l’inter-être de tout ce qui est.

La cause profonde du mal-être

Les racines du mal-être se trouvent dans la vue erronée.  

Les Palestiniens doivent être en mesure de voir que les douleurs et souffrances des Israéliens sont leurs propres douleurs et souffrances ; et les Israéliens doivent être en mesure de voir la même chose pour les Palestiniens. Il en va de même pour le père et son fils, les Américains et les Irakiens, les Musulmans et les Hindous.

La vue juste, c’est reconnaître que les deux côtés inter-sont, que la souffrance de l’autre est aussi la nôtre. Là où ne règne pas la vue juste, naissent la peur et la violence, la guerre et le terrorisme.

L’éthique est la capacité à discerner le bien du mal

En tant que pratiquant, nous devons faire preuve de vue juste ; si notre vue est erronée, notre pensée le sera elle aussi. Et notre pensée erronée entraînera anxiété, inquiétude, peur et violence.

De la même manière, il peut y avoir la pleine conscience erronée et la concentration erronée. Si vous pensez constamment à la manière de conquérir richesse, pouvoir, prestige et sexe, en quête permanente d’objets de vos désirs, vous êtes dans la pleine conscience erronée.

Vous n’êtes jamais dans le moment présent.

Comment alors prendre soin de vous et des personnes qui vous sont chères ?

Une pleine conscience erronée forte mène à une concentration erronée. Pleine conscience et concentration erronées alimentent la vision erronée qui, à son tour, alimente la pleine conscience et la concentration erronées. C’est un cercle vicieux.

Peut-être que, pour la première fois, nous pourrions définir la Deuxième Noble Vérité comme l’ignoble chemin octuple menant au mal-être.

Le libre arbitre – couper la racine du mal-être

La Troisième noble vérité est la cessation du mal-être, la transformation d’un mode de vie fondé sur le chemin erroné, le chemin ignoble.

La pleine conscience juste nous permet d’ôter la pleine conscience erronée et d’atteindre la concentration juste et la vue juste. La reconnaissance de notre capacité à transformer ce mode de vie est une preuve de notre libre arbitre.

Selon le Bouddha Shakyamuni, le libre arbitre est possible. Il commence avec la pleine conscience : nous sommes tous capables de boire du thé en pleine conscience, de marcher en pleine conscience, de respirer en pleine conscience. Il s’agit de pratiques très concrètes qui peuvent nous aider à établir notre libre arbitre, à le faire grandir afin de mettre fin à notre confusion.

_{Extrait de l’enseignement offert le 23 novembre 2008 par Thich Nhat Hanh –
Temple de la Bonté aimante, Village des Pruniers, France}

Quelques pratiques à faire chez soi

• De quelle manière marchons-nous et respirons-nous pour éviter de nous laisser entraîner par l’agitation de la vie ?
• Quelles sont les manières concrètes qui nous permettent de relâcher les tensions et le stress au quotidien ?

Cet article fait partie d’une série d’enseignements et témoignages sur le thème de l’éthique et du Bouddhisme engagé