Thich Nhat Hanh sur... / “La meilleure façon, la seule façon, d’éliminer le terrorisme” – Extraits d’Interview

L’antiterroriste peut penser à peu près la même chose : “ce sont des terroristes qui essaient de nous éliminer, donc nous devons les éliminer avant qu’ils ne puissent le faire”. Les deux camps sont motivés par la peur, la colère et une perception erronée. Mais les perceptions erronées ne peuvent être éliminées par des armes et des bombes. Elles doivent être enrayées par une écoute profonde, une écoute compatissante et un espace d’amour.

— Thich Nhat Hanh, Interview avec Oprah Winfrey, 2010.

Thich Nhat Hanh lors de son Interview télévisée avec Oprah Winfrey

Cette Interview est parue dans le Magazine Oprah en mars 2010 et a été diffusée le dimanche 6 mai 2010 dans le cadre de la série ‘Super Soul Sunday’. Elle a récemment été traduite en français et mise en ligne sur notre site. Pour lire l’interview dans son intégralité, cliquez ici.

Lire les extraits :

Un Apôtre de la paix et de la non-violence

Chapô de l’Interview

Moine bouddhiste depuis plus de 60 ans, Thich Nhat Hanh est également enseignant, écrivain et fervent opposant à la guerre – une position qui lui a valu d’être exilé durant quarante années de son pays natal, le Viêt Nam. Aujourd’hui, l’homme que Martin Luther King Jr. n’a pas hésité à qualifier d’apôtre de la paix et de la non-violence réfléchit à la beauté du moment présent, à la reconnaissance de chaque respiration ainsi qu’à la liberté et au bonheur, tous deux disponibles dans une simple tasse de thé.

Dès ma rencontre avec Thich Nhat Hanh à l’hôtel Four Seasons de Manhattan, j’ai été gagnée par sa sérénité. Une présence profondément tranquille se dégageait de ce Maître Bouddhiste Zen.

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L’écoute profonde et la communication pour mettre fin aux conflits

Extrait n°1

Thich Nhat Hanh : Oui. L’écoute profonde nous aide à reconnaître l’existence de perceptions erronées chez l’autre personne et de perceptions erronées en nous. L’autre personne a des perceptions erronées sur elle-même et sur nous. Et nous avons des perceptions erronées sur nous-mêmes et sur l’autre personne. Et c’est là le fondement de la violence, du conflit et de la guerre. Les terroristes, eux, ont une perception erronée. Ils pensent que l’autre groupe essaie de les détruire en tant que religion, en tant que civilisation. Ils veulent donc nous abolir, ils veulent nous tuer pour éviter que nous le fassions nous. Et l’antiterroriste peut penser à peu près la même chose : “ce sont des terroristes qui essaient de nous éliminer, donc nous devons les éliminer avant qu’ils ne puissent le faire”. Les deux camps sont motivés par la peur, la colère et une perception erronée. Mais les perceptions erronées ne peuvent être éliminées par des armes et des bombes. Elles doivent être enrayées par une écoute profonde, une écoute compatissante et un espace d’amour.

Oprah : La seule façon de mettre fin à la guerre est la communication entre les gens.

Thich Nhat Hanh : Oui. Nous devrions être capables de dire ceci : “Chers amis, chers habitants, je sais que vous souffrez. Je n’ai pas suffisamment compris vos difficultés et vos souffrances. Ce n’est pas notre intention de vous faire souffrir davantage. C’est tout le contraire. Nous ne voulons pas que vous souffriez. Mais nous ne savons pas quoi faire et nous pourrions faire une erreur si vous ne nous aidez pas à comprendre. Alors, s’il vous plaît, parlez-nous de vos difficultés. Je suis impatient d’apprendre, de comprendre.” Nous devons avoir une parole aimante. Et si nous sommes honnêtes, si nous sommes vrais, ils ouvriront leur cœur. Ensuite, nous pratiquons l’écoute compatissante, et nous pouvons apprendre beaucoup de choses sur notre propre perception et sur leur perception. Ce n’est qu’après cela que nous pouvons aider à lever les perceptions erronées. C’est la meilleure façon, la seule façon, d’éliminer le terrorisme.

Oprah : Mais ce que vous dites s’applique également aux difficultés entre vous et les membres de votre famille ou vos amis. Le principe est le même, quel que soit le conflit.

Thich Nhat Hanh : C’est vrai. Et les négociations de paix devraient être menées de cette manière. Quand nous arrivons à la table, nous ne devrions pas négocier tout de suite. Il convient de consacrer d’abord un peu de temps à marcher ensemble, à manger ensemble, à faire connaissance, à se raconter nos propres souffrances, sans blâmer ni condamner. Cela nécessite peut-être une, deux ou trois semaines pour y parvenir. Et si la communication et la compréhension sont possibles, la négociation sera plus facile. C’est pour cela que si je devais organiser une négociation de paix, ce serait de cette façon.

Oprah : Vous commenceriez donc par partager une tasse de thé ?

Thich Nhat Hanh : Oui, méditation du thé et marche méditative.

Oprah : Le thé en pleine conscience.

Thich Nhat Hanh : Et, bien sûr, partager nos souffrances et nos joies. De même que l’écoute profonde et la parole aimante.

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Reconnaître et embrasser la peur

Extrait n°2

Oprah : Et si, dans un moment de pleine conscience, vous étiez mis au défi ? Par exemple, l’autre jour, quelqu’un m’a présenté une action en justice, et il est difficile de se réjouir lorsque vous apprenez que quelqu’un va vous poursuivre en justice.

Thich Nhat Hanh : La pratique consiste à aller à la rencontre de l’anxiété, l’inquiétude…

Oprah : La peur. La première chose qui arrive, c’est que la peur s’installe, avec des questions comme : qu’est-ce que je vais faire ?

Thich Nhat Hanh : Donc vous reconnaissez cette peur. Vous l’embrassez tendrement et vous la regardez profondément. En embrassant votre douleur, vous êtes soulagé et vous découvrez comment gérer cette émotion. Si vous savez comment gérer la peur, alors vous avez suffisamment de recul pour résoudre le problème. Le défi est de ne pas laisser cette anxiété prendre le dessus. Lorsque ces sentiments surgissent, vous devez vous entraîner à utiliser l’énergie de la pleine conscience pour les reconnaître, les embrasser, les regarder profondément. C’est comme une mère quand son bébé pleure. Votre anxiété est votre bébé. Vous devez en prendre soin. Vous devez revenir à vous, reconnaître la souffrance en vous, l’embrasser, et vous sentirez le soulagement. En poursuivant votre pratique de pleine conscience, vous en comprenez les racines, la nature de la souffrance, et vous voyez comment la transformer.

Oprah : Vous utilisez souvent le mot ‘souffrance’. Je pense que beaucoup de gens assimilent la souffrance à la famine ou à la pauvreté. Or, que voulez-vous dire au juste quand vous parlez de souffrance ?

Thich Nhat Hanh : Je me réfère à la peur, à la colère, au désespoir, à l’anxiété si présents en nous. Si vous savez comment gérer ces éléments, alors vous serez capable de gérer les problèmes de guerre, de pauvreté et de conflits. Si nous sommes habités par la peur et le désespoir, nous ne pouvons pas supprimer la souffrance de la société.

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Regarder profondément pour faire naître la compassion

Extrait n°3

Thich Nhat Hanh : On peut répondre à votre question quand on peut répondre à celle-ci : ‘Que se passe-t-il dans le moment présent ?’ Dans le moment présent, vous produisez des pensées, des paroles et des actions. Et elles se poursuivent dans le monde. Tout porte votre signature : chacune des pensées que vous produisez, tout ce que vous dites, toute action que vous faites. L’action est appelée karma. C’est votre continuation. Lorsque ce corps se désintègre, vous prolongez vos actions. C’est comme le nuage dans le ciel. Quand le nuage n’est plus dans le ciel, il n’est pas mort. Le nuage continue sous d’autres formes, qu’il s’agisse de pluie, neige ou glace. Notre nature est la nature de non-naissance et non-mort. Il est impossible pour un nuage de passer de l’être au non-être. Il en va de même pour une personne aimée. Elle n’est pas morte. Elle a continué sous de nombreuses formes nouvelles ; vous pouvez regarder profondément et la reconnaître en vous et autour de vous.

Oprah : Est-ce là ce que vous vouliez dire lorsque vous avez écrit l’un de mes poèmes préférés, “S’il te plaît, appelle-moi de mes vrais noms” ?

Thich Nhat Hanh : Oui. Quand vous me dites européen, je dis oui. Quand vous m’appelez arabe, je dis oui. Quand vous me qualifiez de noir, je dis oui. Quand vous m’appelez blanc, je dis oui. Parce que je suis en toi et tu es en moi. Nous devons interagir avec tout ce qui existe dans le cosmos.

Oprah : [Extrait du poème]Disponible dans le livre de poèmes “Une Flèche, Deux Illusions“. Pour en savoir plus sur le livre, cliquez ici.Je suis un éphémère qui se métamorphose à la surface de la rivière. Et je suis l’oiseau qui descend en piqué pour avaler l’éphémère….. Je suis l’enfant en Ouganda, tout en peau et en os, les jambes aussi fines que des tiges de bambou. Et je suis le marchand d’armes qui vend des armes mortelles à l’Ouganda. Je suis la jeune fille de 12 ans, réfugiée sur un petit bateau, qui se jette dans l’océan après avoir été violée par un pirate des mers. Et je suis le pirate, mon cœur n’étant pas encore capable de voir et d’aimer…
Oh, appellez-moi par mes vrais noms, pour que j’entende à la fois mes rires et mes pleurs, pour que ma joie et ma peine ne fassent plus qu’une. Oh, appellez-moi par mes vrais noms, afin que je m’éveille, que la porte de mon cœur s’ouvre enfin à jamais; la porte de la compassion.

Pouvez-vous nous dire ce que signifie ce poème ?

Thich Nhat Hanh : Cela signifie que la compassion est notre pratique la plus importante. La compréhension fait naître la compassion. Comprendre la souffrance que subissent les êtres vivants permet de libérer l’énergie de la compassion. Et avec cette énergie, vous savez quoi faire.

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What is Mindfulness

Thich Nhat Hanh January 15, 2020

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