Célébration de Vesak: Sommes-nous un Bouddha?

Alors que nous venons de célébrer Vesak, honorant la vie et l’éveil du Bouddha, Frère Phap Huu nous rappelle l’importance de reconnaître la nature éveillée en soi et en l’autre, de transformer nos énergies d’habitude et de réfléchir à l’héritage que nous offrons au monde, à travers nos pensées, nos paroles et nos actions.

Chérir la vie de tous les jours

A l’occasion de Vesak, de nombreuses communautés se sont rassemblées il y a quelques jours afin de célébrer la naissance du Bouddha. Dans notre tradition, lorsque nous célébrons la naissance du Bouddha, nous n’apprenons pas seulement à connaître le Bouddha historique, mais nous apprenons aussi à identifier et à reconnaître la nature de Bouddha qui est présente en chacun et chacune d’entre nous. Nous devons également apprendre à chérir la vie. La vie est un cadeau. Chérir la vie au quotidien est l’art de la méditation et de la pleine conscience.

Notre maître a dessiné une calligraphie sur laquelle on peut lire : ‘Tu es vivante, tu es vivant’. C’est extrêmement simple, et pourtant c’est un enseignement très profond. En effet, la plupart du temps, nous sommes en vie, mais nous ne savons pas que nous vivons. Nous courons vers l’avenir au gré de nos projets, de nos idées de réussite, de notre idée du bonheur, et nous nous disons : « J’attendrai que ces conditions soient réunies, et alors je serai plus vivante, plus vivant. Je serai plus heureuse, plus heureux, davantage en joie. »

Nous pouvons avoir tendance à vivre dans le passé. Nous vivons des expériences dont nous avons hérité et nous vivons avec des regrets, de la tristesse et l’idée de ‘et si’. Et si j’avais pu faire ceci ? Et si j’avais pu faire cela ? Et lentement, nous nous perdons. Nous gâchons notre vie. Nous sommes de nature à vieillir. Il est dans notre nature de mourir. Tout ce qui nous tient à cœur, il faudra un jour apprendre à le lâcher. Et un jour, nous reviendrons à la terre, comme la poussière.

Si nous n’apprenons pas à vivre profondément le moment présent, qui contient à la fois le passé et l’avenir, nous n’aurons jamais l’occasion de toucher la vie dans le moment présent.

Apporter la compréhension et la vision profonde que, oui, ‘Je suis vivant.e’ dans notre vie quotidienne, c’est l’art de la méditation, et c’est l’art de la pleine conscience. Nous rendons hommage à Siddhartha d’avoir compris que la vie de tous les jours est un terrain de pratique.

Célébration de la naissance du Bouddha

Reconnaître et transformer nos énergies d’habitude

Parmi nous, certaines personnes sont chargées de constituer des équipes au sein d’entreprises. D’autres sont des enseignants. D’autres encore sont entrepreneurs, et je sais à quel point nous sommes occupés, en particulier ces dernières années, lorsque tout a basculé dans le télétravail. Les attentes à notre égard sont encore plus fortes : nous devons répondre à tout, car nous avons constaté que pour travailler, il n’est pas nécessaire d’être en présence l’un.e de l’autre. Le travail peut quand même se faire.

Si nous n’y prenons garde, nous risquons de nous enfermer dans ce rythme effréné. Nous devons également créer des moments de pause, ne rien faire, nous asseoir et guérir. Dès que nous nous asseyons, notre esprit commence à nous dire : « Mais que fais-tu ? Le temps, c’est de l’argent. Le temps, c’est le succès. Le temps, c’est pour faire quelque chose. » Ce dialogue nous a été transmis, et il s’agit également d’une énergie collective.

Parfois, méditer c’est avoir le courage de dire : Non, stop, je vais m’asseoir et être avec moi-même.

Cela exige du courage car, bien souvent, lorsque nous restons assis sans rien faire, nos petits démons se manifestent. Nos voix intérieures, parfois appelées Mara, ne nous permettent pas d’apprécier le fait de ne rien faire. Elles nous entraînent vers le passé ou l’avenir, ou nous disent que nous ne sommes pas à la hauteur dans le moment présent, et nous doutons alors de nous-mêmes.

Nous devons aussi avoir la lucidité de regarder notre souffrance, de regarder les histoires que nous créons dans notre esprit et nous interroger : « Est-ce vrai, ou est-ce seulement notre perception ? Ce n’est qu’une pensée ? ». Si nous n’avons pas le temps d’examiner nos propres pensées, nous continuerons à en être les victimes. Elles continueront à façonner notre monde, et nous courrons après nos habitudes. Nos habitudes continueront à façonner notre vie quotidienne et à nous faire souffrir. C’est pourquoi le fait d’être immobile, de s’asseoir tranquillement, nous donne la possibilité de nous reconnaître, de voir nos propres habitudes et de les appeler par leur vrai nom.

vesak
Un moment de pause en hommage

Laisser un héritage : La nature du Bouddha en action

Nous avons besoin de voir les habitudes héritées de nos parents. Parfois, nous faisons des choses et nous nous interrogeons : « Pourquoi est-ce que je fais cela ? On ne me l’a jamais appris, mais je le fais. » Si vous en avez l’occasion, rentrez chez vous et observez vos parents. Ils peuvent être votre source de méditation. J’ai observé profondément ma mère et mon père et j’ai vu leurs merveilleux talents, et j’ai commencé à les voir en moi.

Ma mère est très soigneuse et ordonnée. Tout est toujours fait à la perfection. Je reconnais ce germe de perfection en moi. Lorsque les choses ne se font pas comme prévu, je souffre. Dans ma pratique, je commence à dire : « Bonjour, chère graine de perfection de maman. Je respire avec toi. Il n’y a rien de parfait en ce monde. Laisse-moi transformer cette graine ».

Ensuite, il y a des graines dont j’ai hérité et avec lesquelles il est très difficile de pratiquer, mais nous les reconnaissons. Nous voyons que c’est l’occasion de transformer cette graine. Mes parents ont grandi pendant la guerre. Ce qui préoccupait leur vie et leur esprit, c’était la nourriture. Y en avait-il assez ? La peur de la faim était très forte. Quant à moi, j’ai grandi dans de meilleures conditions, au Canada, et nous avons toujours eu assez de nourriture. Mais quand j’ai rejoint la Sangha, nous avons dit que la méditation du repas ne commence pas quand nous mangeons. La méditation du repas commence déjà lorsque l’on fait la queue avant de se servir. J’ai toujours remarqué que je prenais davantage que ce dont j’avais besoin. Et chaque fois que je ne pouvais pas tout manger, je sentais des regrets. Je m’interrogeais : « Pourquoi est-ce que je fais ça ? Pourquoi je m’inflige ça ? » Je sais que, dès le deuxième son de la cloche, je pourrai me lever et aller reprendre de la nourriture, s’il en reste. Mais pourquoi la peur me gagne-t-elle toujours au moment de me servir ?

Un jour, alors que j’étais assis et attendais que la cloche soit invitée, j’ai reconnu : « Ah, on m’a offert cette graine de peur, la peur de ne pas avoir assez ». J’ai été façonné par ma mère et mon père, par leurs expériences passées.
Mais le moment de libération est apparu lorsque j’ai dit : « Maman et Papa, je vais transformer cette graine pour vous », parce que j’ai davantage d’opportunités et de conditions qu’eux pour consacrer ma vie quotidienne à cette compréhension.

Je sais qu’il y a des choses que mes parents ne transformeront pas au cours de cette vie, et je ne peux pas les forcer à le faire. Je ne peux pas attendre d’eux qu’ils se transforment pour que je les aime.

Je les accepte tels qu’ils sont et je comprends que je peux me transformer pour eux, ce qui me donne le courage et l’envie de poursuivre le chemin pour eux.

Des enfants donnent le bain au Bouddha durant Vesak

Une pratique vivante de Vesak

Pour Vesak, nous avons l’occasion d’organiser une cérémonie ensemble, de nous asseoir dans l’immobilité et d’offrir de l’encens. Lorsque nous offrons de l’encens, il ne s’agit pas seulement d’un parfum. Nous offrons la fragrance de notre pleine conscience, de notre unité, le parfum de la pleine conscience, de la concentration et de la vision profonde. Ce sont les parfums que nous pouvons offrir chaque jour. Nous ne pouvons peut-être pas les voir, ni les humer, mais nous pouvons les sentir lorsque quelqu’un est solide, nous pouvons sentir sa présence.

Ensuite, nous avons l’occasion de marcher ensemble en ligne, en procession, et nous dédions chaque pas au Bouddha. Je dédierai 20 pas à Thay car, même s’il n’est pas là, il est ici avec nous. Je dédierai également quelques pas à notre Bouddha, et si nous le souhaitons, nous pouvons dédier des pas à nos proches. Ensuite, nous aurons l’occasion d’arroser le bébé Bouddha.

Le bébé Bouddha est la graine d’éveil présente en chacune et chacun d’entre nous.

Chacun.e d’entre nous a la possibilité d’arroser le Bouddha, l’un.e après l’autre. Nous le faisons avec modération, car nous sommes nombreuses et nombreux, avec soin et amour.

Baigner le Bouddha

Nous faisons tout avec les deux mains, car lorsque nous faisons quelque chose avec les deux mains, cela signifie que nous sommes pleinement conscients. Nous prenons l’objet pour arroser dans une main, et l’autre main est posée délicatement sur elle. Nous avons vraiment conscience de l’action, du bain du bébé Bouddha en nous et dans les autres.

Chaque fois que nous nous inclinons aujourd’hui, nous pouvons dire : « Un lotus pour toi, Bouddha en devenir », car nous avons toutes et tous la nature de Bouddha. Aujourd’hui est le jour du Bouddha. Le Bouddha n’est pas là-haut, le Bouddha est ici, en chacun.e de nous.

Un lotus pour vous, Bouddha en devenir, pour vous toutes et tous.

Ressources

en anglais avec sous-titres à activer en français:



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What is Mindfulness

Thich Nhat Hanh January 15, 2020

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