Aujourd’hui, 25 mai 2025, la France célèbre toutes les mamans. En cette traditionnelle ‘fête des mères’, nous vous offrons le témoignage de Sœur Chân Thuần Khánh qui nous livre d’émouvants souvenirs et réflexions concernant sa maman.

La maman est aussi silencieuse et fidèle que la source
A midi, le vent souffle sur le sable d'une plage vide.
Peu importent les pluies et les tempêtes qui se déchaînent.
Notre maman est toujours là, paisible comme son souffle.
Je ne sais plus exactement quand j’ai écrit ce petit couplet à l’intention de ma maman. Peut-être était-ce il y a longtemps, lorsque j’étais encore jeune novice. Chaque fois que j’accompagnais ma mère pour une visite au temple de Dieu Tram, il y avait toujours une sœur plus jeune qui me murmurait à l’oreille en s’amusant : «Chère Su Co, on dirait que Mệ est plus jeune et plus joyeuse que toi !». Mes jeunes sœurs appelaient ma mère ‘Mệ’ (grand-mère), car c’est ainsi que les habitants de Huế s’adressent généralement aux personnes âgées.
Je souhaitais écrire et raconter une histoire à propos de ma mère, mais je ne savais pas comment commencer, car sa vie a été marquée par beaucoup de tristesse, de joie, de souffrance et de bonheur. En voyant ses expressions de joie, de fraîcheur et d’innocence, en entendant son rire joyeux, il est difficile de croire qu’elle a traversé d’innombrables obstacles, épreuves, difficultés et souffrances au cours de sa vie.
Enfant d’une dizaine d’années environ, j’avais l’habitude de regarder ma mère avec des yeux pétillants lorsqu’elle me prodiguait ses conseils : “Quand tu es dans la rue, tu dois être joyeuse et sourire à tout le monde. Même si tu souffres de la faim depuis trois jours, tu dois être gentille avec les autres. La personne qui se tient en face de toi est peut-être dans une situation plus difficile que la tienne. Tu n’as peut-être aucun bien matériel à offrir, mais tu as tes sourires”. En grandissant, je suis devenue une personne qui sourit beaucoup, grâce aux paroles et à la façon d’être de ma mère.

Ma maman ne sait ni lire ni écrire. Lorsqu’elle était enceinte de moi, son cinquième enfant, elle portait une lampe à pétrole pour assister à deux ou peut-être trois rares leçons gratuites données le soir par un enseignant du village. Lorsque mon père est décédé, ma mère et mes sept enfants lui ont survécu. Il lui a également laissé ces mots sincères : “Avant toute chose, ne permets pas aux enfants de suivre ma carrière de pêcheur. Ensuite, fais de ton mieux pour leur donner à tous une éducation”.
Cette année-là, lorsqu’il est décédé, ma mère avait 38 ans. Avec son départ, elle n’a même pas eu l’occasion de rêver à ces lettres aussi mystérieuses que fascinantes, même si sa passion pour la lecture ne s’est jamais éteinte. Ses enfants, l’un après l’autre, ont terminé leurs études et sont devenus les premiers jeunes de mon village à obtenir les diplômes universitaires de médecin, d’ingénieur et d’enseignant. Nous sommes la fierté de notre mère. Depuis longtemps, nous avions l’intention de lui apprendre à lire, mais personne ne s’y est encore attelé.
Un jour, mon troisième frère, Phong, professeur d’école, est venu à la maison pour rendre visite à notre mère. Alors qu’il faisait une sieste dans un hamac, il a entendu la voix de ma mère, épelant les choses, lentement, mot après mot, depuis le ‘Livre de chants quotidiens de ma mère’ (Frère Nguyen Tinh avait compilé quelques sutras et chants, les avait imprimés en gros caractères et lui en avait offert une copie à l’occasion d’une visite à ma mère, en compagnie de quelques autres frères et sœurs monastiques). Mon frère Phong s’est redressé et l’a regardée pour s’assurer que c’était bien elle. Elle était trop absorbée à épeler les mots pour s’apercevoir que son fils pleurait. Il a pleuré, et nous avons tous pleuré lorsqu’il nous a raconté cette histoire.
Plus tard, chaque fois que je rentrais à la maison pour une visite, ma mère me disait avec fierté : “J’ai appris par cœur les Trois Refuges”, ou “Récemment, à Dieu Tram, j’ai pu chanter avec les frères et sœurs l’ensemble du chant des Refuges“. Avec enthousiasme, je l’ai félicitée et encouragée à continuer. J’étais heureuse de son bonheur, mon cœur était empli de joie, tout comme lorsque j’ai pu apprendre le mantra Shurangama par cœur lors de mes premiers jours au temple.
Il y a environ 6 mois, j’ai senti ma mère un peu inquiète : “Le chant du Nouveau Départ est très long, penses-tu que je serais capable de le mémoriser ?” J’ai souri et, tandis que mon cœur se gonflait d’amour, je lui ai répondu d’une voix confiante et affirmée : ” Bien sûr tu pourras, comme tu l’as fait pour beaucoup d’autres. Prends ton temps pour apprendre chaque verset, tu as déjà appris à lire sans problème”. Maman est âgée. Chaque soir, elle offre encore de l’encens au Bouddha et aux ancêtres, priant pour leur soutien afin de parvenir à devenir monastique dans sa prochaine vie.
Mon frère cadet et moi avons tous deux été ordonnés monastiques. Chaque fois que nos voisins disaient à ma mère qu’elle avait beaucoup de mérite d’avoir deux enfants monastiques, elle leur répondait que nous étions désormais les enfants du Bouddha, et non plus les siens.
Je suis bien consciente que pratiquer pour nourrir et rafraîchir la joie de vivre vigoureuse dans mon cœur est quelque chose que j’ai appris et hérité de ma mère. Tant que la porte reste ouverte, la lumière trouvera assurément le moyen d’y entrer à flots. Tant que notre cœur est ouvert, l’amour et la foi illumineront à jamais nos yeux et tous les chemins que nous empruntons. Je m’engage à maintenir vivant le sourire de ma mère afin que mon cœur soit baigné de ce courant de fraîcheur salutaire.
