Thich Nhat Hanh sur... / Souvenez-vous de vos visions profondes. Vivez-les.

Enseignement donné par Thay le 14 août 1997, Hameau Nouveau, Village des Pruniers, France

Nous savons qu’en écoutant Thay, nous pouvons comprendre. Et nous pouvons immédiatement souffrir moins. Cela peut se produire parce que nous commençons à accueillir des vues profondes, nous commençons à voir clairement. Mais cette claire-vision ne suffit pas. Cette lucidité doit être appliquée à notre vie quotidienne. Cette lucidité doit être vécue pendant que nous faisons la vaisselle, pendant que nous cuisinons, pendant que nous jardinons, pendant que nous conduisons.

C’est grâce à ce genre de pratique dans notre vie quotidienne que nous pouvons arriver à une transformation solide et stable. Il ne s’agit pas seulement d’écouter Thay parler, de saisir les points principaux, de sentir notre cœur s’ouvrir, et c’est tout. Ce n’est pas suffisant parce que ces habitudes profondément ancrées en nous peuvent à nouveau nous prendre au dépourvu. Et cela nous fait perdre notre perspicacité, notre clairvoyance. Elle nous fait perdre notre conscience éveillée.

Le moment où une prise de conscience se produit, grâce à la lecture des sutras, à l’écoute des enseignements du Dharma ou à la marche méditative, nous devrions essayer d’écrire nos intuitions. Nous devrions prendre note de nos intuitions. Ces intuitions sont quelque chose de très concret.

Supposons que nous vivons avec quelqu’un. Nous avons des difficultés avec cette personne. Nous souffrons à cause de cette personne. Mais aujourd’hui, alors que nous marchons en méditation, nous sommes soudain frappés: nous nous rendons compte que si nous nous comportions d’une manière différente, ce problème ne se produirait pas, elle souffrirait moins et nous aussi, nous souffrirons moins.”

C’est pourquoi, au moment où cela nous frappe, nous devrions immédiatement écrire nos vues profondes sur une feuille de papier. Car c’est peut-être la seule chose qui nous permettra de sortir de cette situation difficile. Chaque matin, nous pouvons donc prendre cette feuille de papier et la relire. Ou bien, à chaque séance de méditation, nous pouvons la prendre et la relire.

Nous prenons la résolution de vivre aujourd’hui exactement selon les intuitions que nous avons eues auparavant en lisant les sutras ou en nous asseyant en méditation. Car, bien que nous ayons ces visions profondes en nous, nous ne les vivons pas. Bien que nous nous éveillons, nous n’incarnons pas cet éveil dans notre vie quotidienne.

Parfois, cet éveil que nous avons n’est pas transmis par Thay. Mais c’est nous qui le réalisons nous-mêmes. Cependant, même si cet éveil vient de l’intérieur, si nous n’apprenons pas à l’incarner dans notre vie quotidienne, il n’y aura aucune transformation. Lorsque l’on voit le chemin de sortie de la souffrance, il faut aussi le parcourir. Il ne suffit pas de voir le chemin. Une fois que vous voyez le chemin, parcourez-le. Vient ensuite l’expérience directe d’éveil sur le chemin.

Supposons que, vivant avec cette personne, nous soyons parfois en colère et pleins de ressentiment. Cette personne dit ou fait régulièrement des choses qui mettent notre patience à rude épreuve. Mais aujourd’hui, en faisant la vaisselle et en respirant en pleine conscience, nous sommes frappés par le fait qu’à chaque fois que cette personne dit quelque chose qui commence à nous énerver, nous pouvons instantanément revenir à notre respiration et laisser tomber toutes nos pensées. Respirez immédiatement et souriez.

Et supposons que nous avions une chanson, comme “L’île intérieure”. Chaque fois que nous sentons qu’une tempête se prépare en nous, nous nous concentrons instantanément sur notre respiration et nous respirons en suivant cette chanson “Quand j’inspire, je retourne dans mon île intérieure, chez moi, il y a de très beaux arbres dans mon île à moi”. Ou “Quand j’inspire, quand j’expire, je me sens comme une fleur, aussi fraîche que la rosée”. Il vous suffit simplement de vous caler sur la chanson et de respirer une fois, deux fois ou trois fois. Ainsi, nous ne prononçons pas de mots qui font des ravages et qui peuvent briser notre relation avec cette personne.

Supposons qu’en faisant la vaisselle, cette vision nous vienne à l’esprit. Après avoir fini la vaisselle et s’être essuyé les mains, nous l’écrivons sur un morceau de papier épais et le mettons dans notre poche. Nous l’emportons toujours avec nous, comme nous le ferions avec nos clés. Et chaque fois que cette personne fait quelque chose qui commence à nous énerver, nous le sortons, nous le regardons et nous sourions. Cette personne n’a aucune idée de ce que nous regardons ou de ce qui nous fait sourire. Mais c’est tout ce qu’elle a besoin de voir.

Puis nous commençons “inspirez, expirez. Fleur, fraîche.” C’est ce que nous faisons. Nous pouvons nous asseoir là où nous sommes et respirer. Ou nous pouvons sortir dans le jardin et respirer. Nous pratiquons les paramitas – nous nous libérons de notre colère, de notre haine, de notre ressentiment. Si nous y sommes parvenus une fois, nous pouvons y parvenir la deuxième fois. Pourquoi ? Parce que nous pouvons remettre ce morceau de papier dans notre poche. Et quand le besoin s’en fait sentir, nous le sortons. Comme on le ferait avec les clés de la maison.

En rentrant du travail, devant la porte, nous sortons les clés pour ouvrir la porte et entrer dans la maison. Le morceau de carton que nous mettons dans notre poche est identique. C’est aussi une sorte de clé. Il nous permet d’ouvrir la porte et d’entrer dans un endroit appelé “non colère” – une maison où il n’y a pas de colère, de haine et de ressentiment. C’est ce qu’on appelle “réciter les sutras”.

Ou bien, chaque fois que l’autre personne arrose les graines de la colère, de la haine et du ressentiment en nous, nous lui rappelons : “Te rappelles-tu des enseignements de Thay ? Si tu m’aimes, s’il te plaît, n’arrose pas ces graines en moi”. Mais si la colère est déjà présente, ouvrez juste cette feuille de papier et respirez. Puis regardez l’autre personne, parlez-lui et souriez-lui. Ainsi, l’autre personne est immédiatement désarmée.

Parce que l’autre personne a également la chance d’écouter les discours du Dharma et sait très bien que, dans notre pratique, si nous nous aimons vraiment, nous faisons de notre mieux pour ne pas arroser les graines négatives les uns des autres. Nous vivons les uns avec les autres, mais si nous continuons à arroser chaque jour la graine de la colère chez l’autre, comment pourrons-nous vivre ensemble longtemps ?


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Thich Nhat Hanh January 15, 2020

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