La vie monastique / La course à pied ? Une autre façon de s’arrêter

Au coeur de notre retraite des pluies, nous partageons avec vous une réflexion qu’avait rédigée Sœur Chan Trang Lam Hy pour l’info-lettre du Village des Pruniers de l’an dernier. Elle y explique sa pratique de la course à pied sous toutes les conditions climatiques, telle une véritable porte du Dharma.

Cette année (l’an dernier), la retraite des pluies est particulièrement difficile pour moi, car elle est à l’image de son nom : il pleut presque tout le temps et il est difficile de trouver suffisamment de temps pour faire de l’exercice, en particulier pour aller courir. Il est arrivé un moment où j’avais l’impression d’être complètement enfermée en moi-même, où mes pensées se rétrécissaient et commençaient à tourner autour de ‘petits’ soucis et problèmes qui semblaient prendre une ampleur démesurée. J’en venais à perdre de vue les raisons pour lesquelles j’étais là, et la manière dont je souhaitais réellement mener ma vie et entraîner mon esprit. C’est alors que je pris la décision de ne plus attendre que les conditions s’améliorent pour faire de l’exercice. Il me fallait simplement bouger et courir régulièrement. Je préfère être ‘trempée et saine d’esprit’ que ‘sèche et coincée‘, et me rappeler qu’il n’y a pas de mauvais temps, seulement des vêtements inadaptés.

Changer de disque

Ce qui m’a aidée à démarrer, c’est de savoir par expérience que l’activité physique m’aide à sortir de cet état d’esprit bloqué, à ‘changer de disque’, comme disait Thay. Pour d’autres, cela pourra être le chant, la musique, la peinture, du bricolage ou tout autre type d’exercice qui nous aide à réouvrir une plus ‘grande fenêtre’ dans notre esprit et à ne pas nous perdre dans nos préoccupations quotidiennes.

C’est un peu comme si je redécouvrais la course à pied et l’exercice, en tant que nouvelle porte du Dharma. Il ne s’agit pas pour moi de courir très vite, sur de très longues distances ou sur une longue durée ; c’est simplement la manière la plus simple de me connecter à mon espace intérieur, de voir les choses sous un angle plus large et de lâcher prise des pensées répétitives qui occupent mon esprit à un moment donné. Il peut s’agir d’une difficulté avec quelqu’un d’autre, de simples inquiétudes imaginaires ou de réflexions sur des choses que j’aimerais être différentes et que j’ai du mal à accepter.

Les bénéfices de l’exercice physique

Au retour d’une course à pied, je peux à nouveau être avec les personnes autour de moi, je suis capable d’écouter et d’être plus tolérante envers les autres et mes propres limites. Globalement, tout semble plus équilibré en moi. Si je ne bouge pas et que l’énergie ne circule pas, mon esprit devient de plus en plus bloqué, critique et étroit. Je me demandais aussi si j’étais dans la fuite de quelque chose. Cependant, le simple fait de bouger mon corps un peu plus vite à travers la campagne me permet en fait de revenir à mon corps et de me sentir plus vivante. Les bienfaits de l’exercice physique sont extrêmement importants. Les sports d’endurance aident à calmer le rythme cardiaque, à approfondir la respiration et à soutenir notre équilibre hormonal, pour n’en citer que quelques bienfaits. Bouger, marcher et courir font partie de notre nature humaine.

Parfois, je redoute les journées de pleine conscience, sachant que je vais devoir rester assise pendant la méditation du matin, l’enseignement du Dharma, le déjeuner formel et le partage du Dharma, sans bouger beaucoup, en pensant qu’il doit y avoir quelque chose qui cloche chez moi, car cela ne semble poser aucun problème aux autres. Bien qu’il y ait un ‘temps d’exercice’ dans notre programme quotidien, il me semble que le programme chargé et ma propre paresse ne favorisent pas cet exercice physique. La course à pied est une activité plus solitaire, et il faut de la détermination pour la pratiquer.

La course à pied en tant qu’exercice physique a toujours fait partie de ma vie, de façon très anodine. Je crois que je me suis souvent dit que j’arrêterais un jour pour passer à un sport plus intéressant. Comme je ne suis pas très compétitive, cela ne semblait me mener nulle part. J’ai couru un semi-marathon une fois, mais la plupart du temps, j’étais parmis les derniers coureurs, à la fin du peloton très dispersé. Si j’accélérais et dépassais l’avant-dernier coureur, c’était uniquement pour éviter d’avoir la voiture-balai derrière moi. À l’origine, j’ai étudié les sciences du sport. Le sport étant très compétitif, beaucoup d’entre nous perdent le plaisir de faire de l’exercice. Au cours de mes études, nous avons examiné divers articles de recherche sur les effets du sport et de l’exercice physique sur différentes maladies et sur les effets positifs de l’exercice physique sur les maladies cardiovasculaires, les patients atteints de cancer, la dépression, etc. Même si je sais que les bienfaits sont extrêmement importants, en particulier dans les sociétés où nous passons la plupart de notre temps assis en voiture ou face à un écran, je suis parfois agacée par le ‘discours’ constant selon lequel le sport est le remède à toutes sortes de maladies.

La pleine conscience dans la course à pied

Ce que j’aime continuer à explorer et découvrir à travers la pratique de la pleine conscience, c’est comment trouver un moyen d’être de plus en plus consciente pendant que je cours, comment profiter davantage de l’action en elle-même, et non pas attendre avec impatience la sensation d’espace qui suivra la course. Une étape dans cette direction consiste à courir délibérément plus lentement que ma tendance naturelle. La plupart des coureurs se lancent trop vite. En courant plus lentement, j’observe la plante de mon pied toucher le sol et je prends conscience de cette petite phase aérienne pendant la course. Cela m’aide à être plus curieuse quant à la manière dont se produit réellement ce mouvement et à ne pas trop m’attacher à la distance que je parcours, mais à courir avec l’attitude ‘rien à faire et nulle part où aller’.

Parmi les exemples extraordinaires de femmes de foi menant une vie très sportive et active, on peut citer Soeur Madonna Budder, religieuse chrétienne, également connue sous le nom de ‘nonne de fer’. Elle a commencé à courir pour le plaisir à l’âge de 48 ans. Au fil du temps, elle s’est de plus en plus impliquée dans différents types de courses et triathlons. Cherchant un moyen de vivre en accord avec ses vœux, elle a demandé conseil à son évêque, qui lui a répondu : « Ma sœur, j’aimerais que certains de mes prêtres fassent ce que vous faites. » Aujourd’hui âgée de 92 ans, elle a participé à plus de 340 triathlons.

Même s’il est utile de mener une vie active dès le plus jeune âge et de prendre l’habitude de faire de l’exercice, on peut aussi simplement profiter du plaisir de courir et de bouger. Je cours principalement parce que cela m’aide à m’arrêter : à cesser de me perdre dans mes pensées, à mettre fin à mes pensées négatives et à renouer avec la vie à travers tous mes sens.

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What is Mindfulness

Thich Nhat Hanh January 15, 2020

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